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Les débats

Avec le CETA, la traçabilité de la viande est une fable

Place de l’agriculture française sur les marchés internationaux -

Par / 1er octobre 2019

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour de remercier notre collègue Laurent Duplomb de ce débat. Il y a deux faits d’actualité lorsqu’on parle d’agriculture. Le premier est la question de la libéralisation du secteur avec son pendant, la paupérisation accrue du monde agricole. Le second concerne le libre-échange.

Monsieur le ministre, vous êtes un fervent défenseur des traités de libre-échange. Vous l’étiez déjà quand vous étiez sénateur, vous l’êtes maintenant en tant que ministre de l’agriculture. D’ailleurs, je m’interroge, quand sera ratifié le CETA ? Il devait être inscrit à l’ordre du jour du Sénat le 4 novembre. Or nous avons appris que ce ne serait plus le cas. Quelle en est la raison ? Le Gouvernement a-t-il senti que dans le monde agricole et la population française le débat est en train de prendre et que le texte pourrait être retoqué dans notre assemblée ?

Lorsqu’on parle de libre-échange, se posent évidemment des questions sociales et environnementales. Mais les consommateurs se posent également la question de la traçabilité. Vous nous répondez par une fable : les contrôles seront suffisants. Sauf qu’en juillet dernier un rapport sénatorial sur l’affaire des « faux steaks », dont vous n’avez peut-être pas eu connaissance puisque vous ne nous avez pas répondu, pointait du doigt le fait que FranceAgriMer était dans l’incapacité de dire, dans le cadre d’un marché public passé par vos services, dans un marché intra-européen, avec une entreprise polonaise, si les 10 000 carcasses utilisées pour fabriquer ces steaks étaient polonaises, néozélandaises, brésiliennes ou canadiennes !

Comment espérez-vous nous faire croire que, demain, avec le libre-échange, avec treize traités internationaux, vous pourrez assurer la traçabilité de tous les produits ? S’agit-il d’une fable ou croyez-vous réellement à ce que vous nous racontez ? (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, j’y crois fermement !

Les applaudissements sur toutes les travées qui ont ponctué la fin votre intervention prouvent que vous êtes tous défavorables au CETA. Aujourd’hui, rien n’est encore signé. Pourtant, les problèmes sur lesquels vous mettez l’accent se posent déjà. Arrêtons donc de toujours nous faire peur !

Le Mercosur ne sera pas ratifié et j’ai le sentiment – il ne faut pas être grand clerc pour s’en apercevoir – que le Sénat ne devrait pas voter le CETA. Néanmoins, je le redis : tous les problèmes dont vous parlez existent déjà !

Certes, le groupe CRCE a toujours été opposé aux traités de libre-échange, mais les autres groupes y ont plutôt été favorables.

Mme Sophie Primas. Pas à n’importe quelles conditions !

M. Didier Guillaume, ministre. Exactement, il s’agissait de traités de libre-échange régulés. Mais la réalité est là : tout le monde est contre le CETA, sauf qu’une grande partie de votre hémicycle est favorable aux traités de libre-échange.

Les contrôles doivent se faire. En ce qui concerne les faux steaks, l’appel d’offres que vous évoquez n’est pas en cause et vous savez très bien que le ministère de l’agriculture n’est pas fautif. Nous sommes d’ailleurs en train de réétudier l’ensemble du système pour voir comment en passer un nouveau.

Je réagirai à ce qu’à dit tout à l’heure M. Duplomb : sur 3 113 lots d’animaux vivants contrôlés, 30 sont non conformes ; sur 39 583 d’origine animale, 315 ; sur 2 721 lots d’aliments pour animaux d’origine non animale, 4. Je pourrais continuer ainsi. Or votre rapport fait état de 25 % de produits non conformes.

M. Laurent Duplomb. Ce sont les chiffres de la Cour des comptes ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)

M. Didier Guillaume, ministre. Vous n’avez pas toujours pris pour argent comptant les rapports de la Cour des comptes, monsieur Karoutchi !

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !

M. Didier Guillaume, ministre. D’après mes services, les chiffres réels sont vingt fois inférieurs à ceux que vous citez : selon les contrôles effectués par le ministère de l’agriculture, les produits non conformes seraient de l’ordre de 1 % !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.

M. Fabien Gay. Monsieur le ministre, je ne formalise pas que vous préfériez répondre à mon collègue Laurent Duplomb plutôt qu’à ma question. (Sourires.)

Je partage une chose avec lui : la conviction que vous êtes en train de construire une agriculture et une alimentation à deux vitesses. Il y aura, d’un côté, ceux qui pourront se payer la montée en gamme et, de l’autre, la majeure partie des gens, c’est-à-dire ceux qui devront acheter à manger au prix le plus bas et dans des conditions environnementales les plus sévères.

Vous n’avez pas répondu sur le fond à ma question parce que vous savez que la traçabilité sera impossible à mettre en œuvre, d’autant que vous n’accordez que peu de moyens aux contrôles. C’est donc une fable que vous êtes en train de nous raconter. Nous ne voulons faire peur à personne, nous décrivons simplement ce qui se passe en réalité, y compris dans le marché intra-européen !

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