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Les débats

Des syndicalistes sont fichés comme s’ils étaient de dangereux délinquants

État des lieux des fichiers dans notre pays -

Par / 10 février 2021

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la suite d’Éliane Assassi, j’interviendrai sur les dangers d’un fichage massif des organisations syndicales, des syndicalistes et des militants et d’un fichage politique de l’ensemble de nos concitoyens.

Je rappelle la place primordiale des syndicats et du mouvement social dans une démocratie digne de ce nom, au moment où la France est considérée comme une « démocratie défaillante ». Ce rappel est essentiel au moment où il est toujours plus difficile de manifester, d’exprimer des revendications pour plus de justice sociale.

Pourtant la mission des syndicalistes est la défense des intérêts individuels et collectifs des salariés. Ils combattent la violence des délocalisations, des fermetures d’entreprises et de plans qui n’ont de sociaux que le nom. Ils dénoncent les privatisations et l’abandon à la finance de biens publics et de fleurons industriels. Ils luttent contre les licenciements indus, pour la préservation des retraites et de notre système de protection sociale, tout en accompagnant des milliers de salariés dans la détresse.

Pourtant, plusieurs d’entre eux ont été condamnés à des amendes et des peines de prison à la suite d’actions menées dans le cadre de leurs fonctions syndicales. Ils l’ont été pour s’être opposés à la politique de casse de leur entreprise.

Ces condamnations injustes ne suffisent pas au Gouvernement, qui permet aujourd’hui le fichage des syndicalistes, au même titre que celui de dangereux délinquants. Il s’agit maintenant de stigmatiser la liberté d’opinion et l’action syndicale.

Comment justifier que le simple fait d’être adhérent à un syndicat puisse, d’une manière ou d’une autre, porter atteinte à la sécurité intérieure, à la sûreté de l’État, qu’elle puisse nuire à la lutte contre le terrorisme ou encore, selon les termes des derniers décrets, porter atteinte à l’intégrité du territoire ou aux institutions de la République ? Comment justifier que le droit à résister, à revendiquer, à agir puisse être considéré comme criminel ?

J’évoquerai un autre point : la protection des données de santé de nos concitoyens. Aujourd’hui, ces données sont particulièrement convoitées et sont devenues un enjeu majeur. Elles sont par définition particulièrement sensibles, parce qu’elles concernent la santé de la personne, mais aussi parce qu’elles peuvent révéler sa condition sociale ou d’autres particularités personnelles.

Pire, ces données pourraient être utilisées à des fins de discrimination : refus d’attribution d’un prêt bancaire, d’accès à un emploi, refus de couverture sociale complémentaire, par exemple en cas de maladie grave.

Or la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dite Ma Santé 2022, prévoit la création d’une plateforme visant à centraliser l’ensemble des données de santé de millions de personnes, malgré les risques incontestables que présente une telle centralisation.

Ces données, qui étaient considérées comme des informations purement médicales dont l’usage était limité aux professionnels de santé ou aux services médico-administratifs, sortent du cadre strict du cabinet du médecin, de l’établissement de santé, pour relever d’un usage plus collectif.

En effet, le choix de confier à Microsoft l’hébergement de données permettant de suivre le parcours de santé de 67 millions de personnes sur près de douze années suscite des interrogations, même si le ministre annonçait il y a peu que cet hébergement ne durerait que deux ans, à la suite des recours intentés par différentes organisations devant le Conseil d’État.

Ce qui s’impose fortement à notre attention, c’est la justification du choix initial. Pourquoi avoir choisi Microsoft alors même que le Conseil d’État soulignait « qu’il ne peut être totalement exclu que les autorités américaines, dans le cadre de programmes de surveillance et de renseignement, demandent à Microsoft [...] l’accès à certaines données » ?

En outre, l’anonymat du patient n’est pas toujours garanti, ce qui peut encourager des acteurs tiers, tels que des employeurs, des assureurs ou des organismes bancaires, à tenter d’accéder à ces données dans l’objectif de réaliser des profits.

Comment croire que deux ans ne seront pas suffisants pour que les données, pourtant couvertes par le secret médical, soient bradées ou accaparées par des intérêts commerciaux ou politiques ?

Enfin, l’accord national interprofessionnel de 2013 a généralisé les complémentaires santé obligatoires dans les entreprises et ouvert aux assureurs privés l’accès aux fichiers des données de santé des salariés. Les données des réseaux de santé gérés par les complémentaires ne sont pas protégées, ce qui fait peser des risques élevés sur le respect de la vie privée.

L’existence des fichiers dans la société a conduit, en 1905, à la démission du gouvernement d’Émile Combes à la suite de l’affaire des fiches, dans lesquelles étaient justement recensées les opinions politiques, syndicales et religieuses des officiers.

La généralisation des fichiers dans la société et ses conséquences sur le respect des libertés individuelles sont des faits nouveaux qui exigent selon nous transparence et démocratie.

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