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Les débats

Développement du numérique ne doit pas rimer avec désertification

Fracture numérique -

Par / 20 février 2019

Je sais bien que la tendance du nouveau monde est à la numérisation des services publics. De fait, celle-ci constitue une formidable opportunité de simplification des démarches administratives.

Nombreux sont ceux qui ont l’impression de ne pas parler le même langage que l’administration et qui se découragent devant la multiplicité et la complexité des démarches, allant parfois jusqu’à renoncer aux droits qui leur sont dus. Nombreux sont ceux qui bénéficieront de cette formidable possibilité de réaliser leurs démarches administratives à toute heure du jour ou de la nuit, sans attendre une RTT ou poser une demi-journée de congé.

Mais c’est une lame à double tranchant. La technologie numérique ne doit pas être un outil d’amoindrissement du service public et d’économies de bouts de chandelle au détriment des plus fragiles.

L’enquête du Défenseur des droits sur les impacts de la numérisation des services publics a révélé en juin dernier que celle-ci ne rend pas service à ceux qui en auraient le plus besoin lorsqu’elle se substitue à l’accueil humain. Elle revient alors à ériger un nouveau fossé entre l’administration et les citoyens.

Numérisation ne doit pas rimer avec désertification, car internet n’est qu’un outil qui ne peut se substituer intégralement à l’humain.

Tel est le cas, tout d’abord, parce que 8 % des Français, soit plus de 5 millions de nos compatriotes, n’ont pas accès à internet, mais aussi parce que des millions d’autres ne sont pas suffisamment familiarisés avec cet outil ou ne sont pas en mesure de l’utiliser seuls.

Aussi, la numérisation progressive de l’administration doit être accompagnée par des agents répartis le plus finement possible sur le territoire. Quoi de plus efficace, pour ce faire, que les mairies de nos 36 000 communes, qui sont le maillage le plus fin possible du territoire ?

On pourrait imaginer – cela a même déjà eu lieu – des permanences hebdomadaires ou pluri-hebdomadaires, assurées par des agents et des travailleurs sociaux. On accompagnerait ainsi toutes celles et tous ceux qui ne sont pas en mesure d’effectuer seuls leurs démarches en ligne.

Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : quelles assurances et quels moyens pouvez-vous donner pour garantir, dans toutes les communes de France, un accompagnement humain et de proximité au service public dématérialisé ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Pendant ce débat, de nombreuses questions aborderont le sujet visé sous différents angles. Je me permettrai donc, à chaque fois, d’apporter des réponses qui n’en couvriront pas la totalité, mais qui concerneront un point précis.

Monsieur le sénateur, vous me posez une question sur la numérisation des services publics. Vous avez rappelé que, pour beaucoup de Français, l’outil numérique, quand on sait l’utiliser, qu’il fonctionne bien et qu’on a accès au réseau, est une révolution.

C’est le cas pour les cartes grises, si on sait se connecter à internet…

M. Joël Bigot. Et si on ne sait pas ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. … et que l’on ne rencontre aucun bug. Chaque année, plusieurs millions de cartes grises sont obtenues par ce biais ; en revanche, quelques milliers de nos concitoyens connaissent des difficultés et il faut dans ce cas que nous soyons capables d’être présents.

Rappelons que les services publics numériques apportent un bien-être dans la vie. Cependant – vous savez que cela a été une de mes inquiétudes dès mon arrivée au Gouvernement –, selon des analyses et des rapports que nous avons nous-mêmes produits, 20 % des Français sont confrontés à une difficulté majeure dans le domaine du numérique ; pour eux, il faudra toujours que l’on apporte des solutions.

Le Président de la République nous a fixé un objectif : permettre que 100 % des services publics soient disponibles en ligne d’ici à 2022. Cela ne signifie surtout pas que tous les services publics deviendront numériques à 100 %. Ce n’est pas la même chose ! Cela implique simplement qu’ils seront tous disponibles en ligne.

Mais nous avons rappelé que, pour tous les services publics qui seront disponibles en ligne, il y aura la chaleur d’un être humain pour accompagner. (Sourires.)

M. Jean-François Husson. C’est beau, mais c’est moins simple !

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État. Il s’agit d’être là pour ceux qui ne savent pas du tout se servir du numérique, ou pour ceux qui ont besoin d’être orientés.

C’est aussi le travail qu’ont mené les équipes de la mission Société numérique, toute l’année dernière, en collaboration avec les départements et les régions de France : déterminer, en toute finesse, qui sont ces oubliés du numérique. Quels sont ceux qui n’ont pas le réseau ? Quels sont ceux qui n’apprendront jamais ? Quels sont ceux que l’on peut former ? Enfin, quels sont ceux qui, mieux encore, peuvent profiter de cet apprentissage du numérique pour en retirer une compétence personnelle ?

Nous reviendrons sur chacun de ces points à l’occasion des prochaines questions, mais je répète que nous partageons trois convictions : quand le numérique fonctionne, il faut l’utiliser ; il faut être très présents pour ceux qui ne le maîtrisent pas ; enfin, pour celui qui est perdu, on ne remplacera jamais un être humain.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question. Vous venez de terminer votre propos en affirmant qu’on ne remplacera jamais l’être humain. Or on le constate bien, sur l’ensemble des territoires, tel n’est pas le cas. J’en veux pour exemple les MSAP. Certes, ce sont de jolis outils, mais en vérité, faute de présence humaine, d’accompagnement, de moyens, ils ne fonctionnent pas. Les MSAP peuvent être un plus, elles peuvent être intéressantes, elles peuvent apporter un service supplémentaire, mais à la condition qu’on leur consacre un minimum de moyens.

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