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Les débats

L’école a besoin d’un réinvestissement massif

Éducation, jeunesse : quelles politiques ? -

Par / 1er décembre 2021

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat doit nous permettre à la fois de tirer le bilan éducatif du dernier quinquennat et de dégager des perspectives nouvelles.

Ces cinq années auront été marquées, à presque tous les niveaux de la scolarité, par un sous-investissement chronique.

Oui, l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur représentent respectivement les premier et troisième budgets de l’État : c’est un fait ! Oui, les crédits généraux accordés à ces deux secteurs ont crû de 8 milliards d’euros et 4 milliards d’euros, hors plan de relance. Toutefois, derrière ces chiffres se cache une autre réalité.

En quinze ans, la part de l’éducation dans le PIB a reculé d’un point et est en baisse constante. Pire, la part de l’État dans la dépense intérieure d’éducation ne cesse de baisser au détriment des familles. Dans l’enseignement supérieur, c’est l’investissement par étudiant qui décroît, année après année. Sur ce mandat, ce sont encore 200 euros en moins par étudiant qui sont consacrés à la réussite.

Face à cette situation, deux choix étaient possibles : réinvestir massivement ou gérer la pénurie. C’est malheureusement le second choix qui a été fait, avec, en prime, un chantage insupportable, en tout cas dans ma ville, à Marseille : « On vous aidera à rénover vos écoles si vous acceptez le recrutement sur profil. » Chez certains de mes collègues, c’est une pression pour regrouper les écoles, au mépris de l’intérêt des enfants, en échange d’un poste ou deux.

Dans l’enseignement supérieur, la réforme emblématique du quinquennat sera sans conteste la sélection à l’entrée de l’université et la fin du baccalauréat comme seule condition d’accession. Parcoursup n’a fait que généraliser la problématique que nous connaissions avec le système d’admission post-bac (APB), sans pour autant ajouter de l’humain.

Le ministère se targue d’un très faible nombre de recalés à l’entrée de l’université. Il est bien le seul et sa politique inquiète même à l’étranger. Ainsi, la rectrice de l’Université libre de Bruxelles doit faire face à l’afflux massif de rejetés de Parcoursup. Elle déclarait ainsi récemment : « Dès qu’une mesure sélective est prise chez vous, cela se ressent ici. »

Cette année, le ministre va encore plus loin en instaurant le Parcoursup des masters. Bien sûr, il s’appuie sur la réforme de ses prédécesseurs, qui, eux aussi, avaient fait le choix de traiter le manque de places par la sélection, mais il s’emploie à la systématiser. Pourtant, les occupations récentes des universités de Nanterre ou de Lyon 2 montrent que le problème est non pas le niveau des étudiants, mais bien le manque de moyens accordés aux universités pour remplir leurs missions.

L’institution scolaire et universitaire est aujourd’hui à bout de souffle. Elle ne tient plus que grâce à l’engagement sans faille de ses personnels. Ces derniers, fort peu soutenus par leurs ministres de tutelle, jamais avares de polémiques stériles, font aujourd’hui partie des enseignants les moins bien traités des pays occidentaux. Injonctions contradictoires, stigmatisations et précarisation ont été les maîtres mots de ces cinq dernières années, au point même que les hauts fonctionnaires du ministère de l’éducation nationale, pourtant peu bavards en règle générale, ne se sont pas fendus d’une, mais de deux tribunes publiques d’alerte.

Ce dont a besoin aujourd’hui l’école, c’est donc d’un réinvestissement massif. À ce titre, le recrutement de 90 000 enseignants sur cinq ans, accompagné d’une réelle revalorisation des traitements, doit permettre de limiter le nombre d’enfants par classe et d’améliorer les conditions de travail des enseignants.

Par ailleurs, parce que l’école doit redevenir le lieu où se gomme la reproduction des inégalités sociales, parce qu’elle doit être le lieu de l’émancipation, il faut repenser une nouvelle fois les rythmes. Le passage à 32 heures hebdomadaires d’enseignement ou de suivi pédagogique, couplé à la fin effective des devoirs à la maison, doit permettre d’atteindre cet objectif. En effet, des enfants ne pouvant pas s’appuyer sur leurs proches ou ne disposant pas de bonnes conditions matérielles pour faire leurs devoirs partent déjà avec un temps de retard. Ce qui doit être appris pour l’école doit l’être à l’école.

Enfin, il faudra faire l’inventaire des réformes qui se sont succédé dans l’enseignement. Je les rappelle pêle-mêle : la sélection à l’entrée en licence et en master, la réforme du lycée et du baccalauréat, le passage à trois ans du baccalauréat professionnel, la concentration à outrance sur les savoirs fondamentaux. Le journal Libération évoquait ce matin une enquête sur le ressenti des Français à l’égard de l’école. Le constat est terrifiant : ils considèrent que l’institution s’est dégradée ces cinq dernières années et sont inquiets pour la suite. Ils jugent même que l’école, loin de compenser les inégalités, a plutôt tendance à les creuser.

Dans cette période traversée par une surenchère sécuritaire, je ne peux m’empêcher de penser à la célèbre citation de Victor Hugo : « Celui qui ouvre une porte d’école ferme une prison. » Faisons donc toutes et tous ensemble le pari de l’école pour demain.

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