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Les débats

L’impasse européenne n’est pas seulement britannique

Conseil européen des 17 et 18 octobre 2019 -

Par / 22 octobre 2019

Que retenir du Conseil européen des 17 et 18 octobre ? En vérité, on ne sait plus par quelle impasse commencer tant la construction européenne s’enfonce un peu plus chaque jour dans la crise !

Première impasse, ce n’est pas très original, le Brexit.

On nous annonçait la sortie du tunnel des négociations à l’issue du Conseil, mais Boris Johnson a été une nouvelle fois battu aux Communes samedi. L’homme méprise tellement son Parlement qu’il tente depuis un nouveau passage en force, non sans avoir adressé au Conseil européen, dimanche, plusieurs lettres au nom du Royaume-Uni, disant une chose – la décision du Parlement – et son contraire – sa propre position.

Au-delà du feuilleton dont il devient hasardeux de prédire la date de fin, il convient surtout de retenir la détermination de Boris Johnson à obtenir une sortie qui lui laisse le plus de marge possible pour jouer demain la concurrence et le dumping social. Les travaillistes et les syndicalistes britanniques demandent d’ailleurs que le paquet législatif qui accompagnera le Brexit leur soit communiqué.

L’accord scellé in fine entre Boris Johnson et Michel Barnier a fait passer la question des droits sociaux de l’accord à la déclaration politique qui l’accompagne : un glissement qui offre toutes les marges au Premier ministre du Royaume-Uni pour s’en dégager le moment venu. C’est donc, à coup sûr, vers une sortie par le bas pour les droits sociaux que l’on se dirige.

Vous parlez d’un bon accord, madame la secrétaire d’État. Je pense, au contraire, que la crise du Brexit n’en a pas fini de rebondir, et que son coût politique sera très cher pour tous les Européens.

Mais l’impasse européenne n’est pas seulement britannique. Le ver est dans le fruit de l’Union. Ainsi, l’accord n’a pu être trouvé non plus entre les Vingt-Sept sur le cadre financier pluriannuel. Le maintien du montant de la PAC et le sens de sa réorientation donnent lieu à discussion, tout comme les fonds structurels, qui restent les principaux éléments de cohésion et de solidarité. La France, qui souhaite le maintien de ces politiques, plaide en même temps pour la montée en charge des dépenses militaires et de sécurité, sans obtenir d’accord sur l’augmentation du budget européen.

Au fond, le désaccord budgétaire ne fait que mettre en lumière l’absence croissante d’accord sur les objectifs communs de l’Union, et c’est ce qui fait problème.

Pendant ce temps, mais on en parle très peu, Christine Lagarde est confirmée nouvelle présidente de la Banque centrale européenne, la BCE, sans que soit remise à plat une seule seconde la mission de cette dernière. Pourtant, quoi de plus urgent dans cette situation d’impasse sociale, économique et politique que de réorienter les immenses richesses et le pouvoir de crédit de la BCE en ces temps de taux zéro vers la relance sociale et la transition écologique ? Or on préfère continuer comme avant !

Impasse, encore, quand il s’agit de la Syrie. L’Europe, c’est vrai, condamne l’offensive turque, et vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État. Mais après ? Le Conseil européen a-t-il ouvert la voie à une offensive diplomatique commune d’ampleur pour mettre les Kurdes sous protection internationale ? Rien de cela ! A-t-il ouvert un débat sérieux sur l’horizon d’un nouveau système de sécurité collective émancipé de l’OTAN ? Non !

L’Europe, qui nourrit en son sein le processus d’élargissement de l’OTAN, est tétanisée par les décisions américaine et turque en Syrie. Et de quoi se félicite la France ? D’une réunion, qui se tiendrait prochainement à Londres, entre les trois Européens – Allemagne, Royaume-Uni, France – et le président turc... Un sommet entre Emmanuel Macron, Boris Johnson, Angela Merkel et Erdogan, cela fait rêver dans une perspective de paix ! Mais pour quoi faire ? Où est la vision commune, le projet qui nous guide ?

Décidément, de quelque côté que l’on se tourne, l’Europe est dans la crise et dans l’impasse.

Voilà dix ans, lorsque nous critiquions sévèrement les orientations qui nous ont menés jusque-là et que nous proposions des États généraux de la refondation européenne pour reconstruire de la solidarité, de l’harmonisation sociale vers le haut, de la transition vers un nouveau modèle, on nous traitait d’anti-européens. Mais aujourd’hui, qui sont les fossoyeurs de l’Union sinon les sourds d’alors ?

Repenser l’Europe est plus que jamais urgent, mais pas pour resservir les plats réchauffés d’hier. Les priorités et les urgences sont ailleurs.

Madame la secrétaire d’État, à quand un Conseil européen sur le dossier d’Alstom-General Electric, qui nous dit l’urgence d’une nouvelle politique industrielle et de son financement ?

À quand un Conseil européen sur l’accident ferroviaire des Ardennes, qui nous dit l’urgence d’une grande politique ferroviaire de service public en Europe, et non de sa déréglementation continue ?

À quand un Conseil européen qui traitera de la colère du monde agricole contre le CETA ?

À quand un Conseil européen qui parlera de la colère de nos communes, laquelle nous dit l’urgence d’une réorientation des fonds structurels vers le financement des services publics et des solidarités territoriales ?

À quand, tout simplement, des Conseils européens qui porteront sur les priorités des Européens, loin des débats actuels sur le colmatage des brèches d’une marchandisation capitaliste à bout de souffle ?

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