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Les débats

La gestion de l’euro souffre de deux tares originelles

Faut-il réformer le fonctionnement de la zone euro ? -

Par / 12 janvier 2017

Je veux remercier mes collègues du groupe du RDSE d’avoir inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée ce débat essentiel pour au moins deux raisons.

La première est que la gestion actuelle de la zone euro par les chefs d’État européens et la BCE est à nos yeux une des principales causes de la crise économique et financière que connaît l’Europe. Des transformations profondes sont urgentes et indispensables. L’orthodoxie monétaire actuelle est mortifère.

La seconde raison est que le Parlement est totalement dessaisi de ce débat, alors même que les orientations imposées par la BCE affectent directement et de manière structurelle nos politiques économiques et budgétaires.

Le déni de souveraineté que constitue cette situation est un problème démocratique majeur, car elle limite considérablement les droits du Parlement, notamment dans ses choix budgétaires, et à travers lui les droits souverains de notre peuple.

La gestion actuelle de l’euro souffre de deux tares originelles, que nous avions contestées et qui nous avaient conduits à refuser la monnaie unique, telle qu’elle nous était proposée à l’époque.

Premièrement, l’objectif initial assigné à la monnaie unique, au lieu de servir le financement d’un développement social et productif partagé en Europe en réduisant les inégalités, a été exclusivement réservé au soutien de politiques de rentabilité des marchés.

Deuxièmement, le statut de la Banque centrale européenne, qui, sous couvert de ce que l’on a appelé l’indépendance de la BCE, en a fait un instrument exclusif au service des marchés hors de tout contrôle politique et démocratique.

En vérité, la BCE ne rend aujourd’hui de comptes qu’aux marchés financiers, au Gouvernement allemand et aux institutions financières internationales au service des mêmes logiques.

Résultat, alors que l’euro et l’énorme pouvoir de création monétaire qu’il constitue pourraient servir l’intérêt des Européens, l’Europe se prive d’un tel pouvoir au nom des dogmes libéraux qui nous ont pourtant conduits dans la crise. Le sort de pays européens entiers est donc livré aux mains de traders qui peuvent les ruiner en quelques secondes.

Rien ne sera possible à terme sans remise en cause profonde des traités, et dans ces traités, du rôle et des missions de l’euro et de la Banque centrale européenne. Est-ce à dire que rien n’est possible pour avancer vers cet objectif ? Nous ne le pensons pas, et tout dépend de la bataille qui est menée, pour l’utilisation ou non que l’on décide de faire de la force de l’euro, et au service de quels objectifs.

Des centaines de milliards d’euros ont été injectées chaque année depuis la crise de 2008 uniquement pour renflouer le système bancaire et financier et maintenir ses exigences de rentabilité, mais aucun changement des critères d’utilisation de cet argent n’a été engagé, sauf pour durcir encore l’accès du crédit aux politiques publiques, aux programmes d’action créateurs d’emplois, à de nombreuses PME, à notre tissu productif.

Les mêmes logiques de gâchis financier sont entretenues, et nous nous dirigeons tout droit vers de nouvelles crises financières plus graves encore que celle de 2008. L’austérité, la réduction des politiques publiques, le dumping fiscal et social, qui tirent vers le bas la rémunération du travail et la qualité de l’action publique, se conjuguent pour augmenter le chômage, la précarité, la pauvreté, les inégalités dans toute l’Europe.

En 2016, la Banque centrale européenne a engagé au moins 500 milliards d’euros pour le refinancement bancaire, auxquels il faut ajouter 960 milliards d’euros pour le rachat de titres publics et privés, soit 80 milliards d’euros par mois, dans le cadre de la politique du quantitative easing. Tout cela pour quel résultat ? Aucune relance sociale ni productive, aucun investissement à la hauteur dans la transition écologique !

En revanche, malgré une pression mortifère contre la dépense publique, tandis que le dumping social et fiscal continue à plein régime, la dette poursuit son envol : les États européens emprunteront 900 milliards d’euros en 2017. Rien n’est donc réglé ; tout continue comme avant.

C’est donc d’abord et avant tout une nouvelle politique économique et monétaire dont la zone euro a besoin, une politique qui oriente enfin l’ensemble des financements disponibles et du crédit, création monétaire comprise, vers trois objectifs : l’emploi et la lutte contre le chômage et la grande pauvreté ; la transition écologique ; le développement de services publics promouvant les capacités humaines et le progrès social, notamment l’éducation, la recherche et l’enseignement supérieur, mais aussi la santé, le logement et les transports.

Ces différents programmes d’investissement nécessitent des centaines de milliards d’euros de financements. Ainsi, la Fondation Nicolas Hulot estime l’effort nécessaire à 3 % du PIB européen sur dix ans. En matière de recherche, un effort porté à 2 % serait nécessaire. La Confédération européenne des syndicats avance des évaluations comparables.

À la vérité, un nombre croissant d’économistes s’accordent à considérer qu’un effort pluriannuel de 2 % à 4 % du PIB européen, soit 300 à 600 milliards d’euros par an, doit être accompli. Est-ce inatteignable ? Pas du tout, si l’on compare ces sommes à celles des gâchis financiers dont j’ai parlé précédemment, sans parler des montants énormes qui échappent à l’impôt dans toute l’Europe grâce aux politiques d’optimisation et d’évasion fiscales, des sommes évaluées à 1 000 milliards d’euros !

Le problème n’est donc pas le manque d’argent, mais l’utilisation de celui-ci. De ce point de vue, les communistes proposent d’agir dans quatre directions.

Premièrement, il convient de dégonfler le poids de la dette et des prélèvements. Pour cela, nous proposons la tenue d’une conférence européenne sur la restructuration de la dette publique des États européens. Nous considérons aussi qu’un certain nombre de dépenses d’avenir indispensables doivent, sans attendre, cesser d’être incluses dans le calcul des déficits selon les critères de Maastricht ; c’est le sens de la proposition de résolution européenne que nous avons déposée hier.

Deuxièmement, il faut prendre l’initiative de lancer la préparation d’une « COP fiscale et financière », comme le propose notre collègue Éric Bocquet, en commençant par interdire aux banques et acteurs publics de la zone euro tout recours aux paradis fiscaux, y compris internes à l’Union européenne.

Troisièmement, il est nécessaire de changer les critères de refinancement bancaire de la Banque centrale européenne, ainsi que les critères de crédit de nos banques. Ainsi, les taux seraient abaissés, le cas échéant jusqu’à zéro, pour les crédits protégeant l’emploi et respectant des normes sociales et environnementales. On peut aussi instaurer une modulation des taux de crédit « anti-délocalisations », pour pousser à la relocalisation des productions. Nous pensons que, pour y parvenir, nous devons maîtriser nos outils bancaires et reconstituer un pôle bancaire public national, en nationalisant les deux grandes banques que sont la BNP Paribas et la Société Générale.

Quatrièmement, nous avançons une proposition majeure : créer une nouvelle institution, un fonds européen de développement social et solidaire, en remplacement de l’actuel Fonds européen de stabilité financière, exclusivement tourné vers la finance. Ce fonds procéderait à des rachats de titres publics pour refinancer de nouveaux crédits à très bas taux. C’est impossible, nous dit-on, car les traités l’interdisent. Il faudra, en effet, les changer sur ce point, notamment le 1 de l’article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Reste que les traités actuels permettent de refinancer des établissements publics de crédit. Le fonds que nous proposons de créer pourrait en être un.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, face à l’impasse actuelle, nous ne croyons pas à la sortie de l’euro, qui nous laisserait encore plus fragilisés et renverrait les États européens à la concurrence des dévaluations. Nous pensons que la France doit être à l’offensive, pour, avec d’autres pays, reconquérir le pouvoir sur cette immense force financière que constitue la capacité de crédit de la zone euro.

Aujourd’hui, nous avons l’euro fort pour les marchés et le dumping social contre les populations ; nous proposons un euro différent, utile au financement du développement social et progressivement reconstruit comme une monnaie commune, au service des besoins de convergence sociale des pays européens !

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