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Les débats

La réduction du temps de travail est plus que jamais à l’ordre du jour

Le partage du travail : un outil pour le plein emploi ? -

Par / 6 janvier 2022

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pandémie de covid-19 a entraîné une crise sociale et économique qui se traduit par une dégradation des conditions de travail, par une mise sous tension des services publics, notamment à l’hôpital, et par la multiplication des plans de licenciements.

Je pense notamment aux anciens salariés de France Loisirs, dont 118 du site de Noyelles-sous-Lens, dans mon département du Pas-de-Calais, qui ont été licenciés. Et avec quel cynisme : un courrier reçu le 24 décembre au matin et l’accusé de réception le 31 ! Joyeux Noël et bonne année à tous ces salariés !

Je pense également aux métallos de la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), qui employait 350 personnes dans l’ancien bassin minier de Decazeville. Ils ont passé le réveillon du nouvel an dans leur usine, occupée depuis fin novembre à la suite de la liquidation de cette entreprise sous-traitante de Renault, qui a pourtant bénéficié de 5 milliards d’euros d’aides de l’État.

Je pense enfin aux salariés des sites Arkema qui, en grève depuis le 16 décembre, réclament une augmentation de salaire au vu des bénéfices record réalisés en 2021 par le leader de la chimie des matériaux : 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 2 milliards d’euros de bénéfice.

La liste est longue et je m’arrêterai là. La pandémie de covid-19 a entraîné un renforcement des inégalités entre les salariés, qui ont subi une dégradation de leurs conditions de vie, et les entreprises du CAC 40, qui ont réalisé, au premier semestre 2021, 60 milliards d’euros de profits. Ces mêmes entreprises qui ont bénéficié d’aides publiques ont pourtant licencié 60 000 salariés dans le monde, dont 15 000 en France.

Face à l’accumulation des richesses entre les mains d’un petit nombre et à la dégradation des conditions de vie du plus grand nombre se pose la question d’un meilleur partage des richesses et du travail.

La durée de travail est au cœur des luttes de classes ; pourtant, la crise sanitaire semble donner un sens nouveau à l’aspiration à la réduction du temps de travail.

En effet, la généralisation du recours au télétravail a entraîné un affaiblissement des frontières entre vie personnelle et vie professionnelle, mais a également favorisé l’expérience d’une réduction du temps de travail au profit de la vie familiale.

Certaines entreprises ont compris l’intérêt d’améliorer le bien-être de leurs salariés. La société d’agencement en bois Design Bois s’est ainsi créée en 2006 sur le concept de la semaine de quatre jours.

Au même titre que la rémunération, le temps de travail et la possibilité de recours au télétravail conditionnent l’attractivité de l’entreprise.

Depuis la pandémie de covid-19, de plus en plus d’entreprises réfléchissent et se penchent sur cette idée de la semaine de quatre jours.

Ainsi un quotidien économique titrait-il, le 10 décembre dernier : « Ces entreprises qui testent la semaine de quatre jours ». Je vous donne lecture du chapeau : « Discrètement, depuis la pandémie, de plus en plus de PME testent la suppression du vendredi ou d’un jour de travail dans la semaine. Les patrons qui l’ont mise en place revendiquent plus de bien-être et plus d’efficacité chez leurs salariés. C’est aussi un argument dans la guerre actuelle des recrutements. »

Le journal Les Échos rejoint ainsi la campagne menée par la Confédération générale du travail (CGT) en faveur de l’abaissement du temps de travail. Pour la CGT, la réduction du temps de travail à 32 heures sans perte de salaire permettrait à toutes et à tous de travailler.

En France, le nombre annuel d’heures supplémentaires est estimé à 800 millions, soit 500 000 équivalents temps plein. En réduisant le temps de travail, on permet des créations d’emplois, on favorise l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et l’égalité dans l’articulation entre vie professionnelle et vie privée, et on permet aux salariés de disposer des temps nécessaires pour s’investir sous différentes formes dans la vie sociale. Cette campagne syndicale rejoint notre projet politique de transformation sociale de la société.

Nous avons conscience des résistances qui existent du côté du patronat, relayées par le Président de la République : les Françaises et les Français, selon eux, travailleraient moins que leurs voisins.

Cette affirmation est fausse, comme le démontrent les statistiques d’Eurostat, qui mesure le temps de travail à 37,4 heures en France, contre 37,3 en Espagne, 37 en Italie et en Belgique, 35 en Allemagne et 30,4 aux Pays-Bas. Il est donc non seulement faux de dire que nous travaillons moins, mais c’est même l’inverse !

La réduction du temps de travail n’est ni l’ennemie du salaire ni celle de l’emploi. Contrairement à ce que certains candidats à l’élection présidentielle peuvent affirmer, elle n’obère pas l’augmentation des salaires, au contraire.

Il suffit de regarder les chiffres de l’Insee pour s’en convaincre. Le passage aux 35 heures a entraîné un gain de productivité de 4 % à 5 % pour les entreprises, plaçant la France au deuxième rang mondial pour la productivité horaire, devant les États-Unis et l’Allemagne. Les 35 heures ont permis un fort développement de l’économie de la culture, des loisirs et du tourisme grâce au temps libre dégagé, ainsi que la création de 350 000 et 500 000 équivalents temps plein travaillé.

La réduction du temps de travail ne doit pas se traduire par une hausse de l’intensification du travail, bien au contraire. C’est en libérant la parole des salariés sur leur travail, en leur donnant de nouveaux droits d’intervention, que l’on contribuera à éviter les dérives de la mise en place des 35 heures, par exemple dans les secteurs des services et de l’industrie ou à l’hôpital public.

La réduction du temps de travail est plus que jamais à l’ordre du jour.

Pendant la crise sanitaire, elle a constitué, sous forme de chômage partiel, la mesure principale de gestion de l’emploi, avec le télétravail ou le travail à domicile. Ainsi les données de l’Insee montrent-elles que, lors du premier confinement, de mi-mars à mi-mai 2020, le nombre d’heures travaillées par personne a diminué d’un tiers, soit –34 %.

Il s’agit donc pour nous, par ce débat, de poser les bases d’une réflexion sur un partage du travail qui se fonderait sur la réduction du temps de travail, permettant aux salariés de profiter davantage de leur vie familiale et d’une vie sociale, culturelle, sportive et démocratique.

Diminuer le temps de travail, c’est améliorer les conditions de vie de chacune et de chacun en créant massivement des emplois à temps plein, bien rémunérés, plutôt que des contrats à temps partiel extrêmement précaires.

En réduisant le temps de travail de chacun, on favorise une meilleure répartition du travail disponible et on crée les conditions permettant d’atteindre un réel plein emploi.

Dans le même esprit, la réduction de la durée de cotisation nécessaire pour partir à la retraite à taux plein à 37,5 annuités et l’abaissement de l’âge du départ à la retraite à 60 ans, au lieu de son recul, participeraient d’un nécessaire partage du travail dans le temps. À quoi bon faire travailler les gens plus longtemps quand tant de jeunes attendent un emploi ?

Partager le travail et les richesses constitue un enjeu fondamental pour l’épanouissement de l’humanité.

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