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Les débats

La semaine de 32 heures pourrait aussi favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes

Le partage du travail : un outil pour le plein emploi ? -

Par / 6 janvier 2022

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe parlementaire a souhaité l’organisation de ce débat sur le partage du travail afin de poser la question des conditions de travail et de vie, de souligner l’importance du temps libre et de montrer que ce partage du travail est un vecteur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

La réduction de quelques heures par semaine de la durée légale de travail pour un temps plein afin d’offrir une meilleure qualité de travail, sans perte de salaire, correspond à une aspiration de plus en plus forte dans notre société.

La sociologue Dominique Méda, autrice de nombreux ouvrages sur le travail et les politiques sociales, a parfaitement analysé ce sujet et rappelé que l’enjeu de la réduction du temps de travail posait également la question du partage du temps dans les couples.

L’index européen d’égalité de genre de 2017 montrait que les inégalités liées au temps persistaient et même qu’elles augmentaient : « Le temps est source d’inégalité massive entre les femmes et les hommes. »

Le partage du temps domestique et familial entre les femmes et les hommes est indispensable pour éviter qu’il ne repose exclusivement sur les femmes.

Lors du passage aux 35 heures, l’Institut national d’études démographiques (INED) a mesuré que le temps moyen consacré aux tâches domestiques avait augmenté de douze minutes par jour chez les hommes. Si ce progrès demeure très relatif, notamment en matière de charge mentale, qui repose encore en majorité sur les femmes, la baisse du temps de travail participe toutefois à l’amélioration du partage des tâches entre les sexes.

Mais réduire le temps de travail à 32 heures hebdomadaires aurait également une incidence sur les temps partiels imposés, en permettant à de nombreuses femmes d’accéder à un temps plein.

Selon l’Insee, la différence de temps de travail est la première cause des 28 % d’écart salarial entre hommes et femmes. Cet écart se répercute sur la retraite et explique l’essentiel des 40 % d’écart de pension entre les hommes et les femmes.

De plus, il n’est pas inutile de rappeler ici que les temps partiels imposés et les politiques d’exonération de cotisations sociales agissent comme des trappes à bas salaire et conduisent à l’accroissement du nombre de travailleuses pauvres.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut donc supprimer les exonérations de cotisations patronales et garantir un temps de travail minimum effectif de 24 heures par semaine, sans possibilité de dérogation.

Les opposants à la réduction du temps de travail sont souvent les partisans des contrats courts et des temps partiels. Les mini-jobs et autres contrats courts sont pourtant autant d’emplois précaires qui renforcent les inégalités entre les femmes et les hommes.

Enfin, la réduction du temps de travail doit s’accompagner d’un renforcement des moyens d’intervention des salariés dans les entreprises. Cela passe par le rétablissement des CHSCT et par de nouveaux droits d’intervention, comme le droit de veto des salariés.

La réduction du temps de travail à 32 heures n’est pas une lubie des organisations syndicales et de certains partis politiques, dont le nôtre. Elle constitue la réalité dans certaines entreprises françaises, comme Bosch à Vénissieux, Welcome to the Jungle ou Love Radius dans le Var.

En Espagne, depuis le mois de mars 2021, le gouvernement a décidé d’engager une expérimentation de la semaine de 32 heures sur quatre jours avec maintien des salaires. Cette expérience porte sur 200 entreprises et plusieurs milliers de salariés.

Enfin, le mouvement « 4 Day Week » mène campagne en Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Irlande en faveur d’une réduction du temps de travail.

En conclusion, la réduction du temps de travail est un projet politique global qui repense la place de l’individu dans l’entreprise et la cité. Elle vise à l’amélioration des conditions de vie en permettant, notamment, de mieux concilier la vie personnelle et la vie professionnelle, et de disposer de temps pour soi, pour les autres, pour les loisirs, la culture ou pour des engagements associatifs par exemple.

Un passage à quatre jours par semaine aurait également un rôle positif sur la santé des salariés. Ce serait aussi un outil de réduction des déplacements, ce qui ne peut être que bénéfique pour l’environnement et l’amélioration des conditions de travail, et un levier pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Contrairement à ce qu’a dit le Président de la République, la France n’est pas le pays où l’on travaille le moins en Europe, ainsi que l’a montré ma collègue Cathy Apourceau-Poly. Au contraire, nous avons une durée moyenne hebdomadaire parmi les plus élevées, ainsi qu’une productivité de vingt points supérieure à la moyenne européenne. Cette productivité doit être partagée pour permettre le travail de toutes et tous, des femmes et des hommes, des jeunes comme des anciens.

Alors, en 2022, engageons-nous dans cette voie de progrès social ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Marc Laménie applaudit également.)

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargé des retraites et de la santé au travail. J’interviens rapidement car je répondrai dans mon propos conclusif. Je veux simplement dire que je ne suis pas étonnée de vous voir, madame Cohen, traiter du sujet du partage du travail au travers de la question, intéressante, de l’égalité hommes-femmes.

Sur le temps partiel, le minimum légal est, vous le savez car vous l’avez rappelé, de 24 heures. Les dispositions conventionnelles permettent d’y déroger, dans un sens comme dans un autre. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de cette discussion qui permet d’être au plus près de la réalité de ce que vivent les branches d’activité dans un système qui reste dynamique.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le secrétaire d’État, je suis satisfaite de constater que ma façon d’aborder le sujet vous a intéressé, mais j’aimerais que cet intérêt se traduise en actes.

J’ai montré combien le partage de travail pouvait être un apport important, et je voudrais citer des chiffres qui datent un peu : en 2017, la Fondation Concorde avait estimé que l’égalité salariale rapporterait 70 milliards d’euros à l’économie et permettrait de créer 26 000 emplois par an. Alors, chiche !

Cela permettrait à des femmes d’avoir une vie plus sereine, puisqu’il y aurait égalité salariale, et de pouvoir se consacrer à leur vie personnelle, ce qui serait satisfaisant tant pour les femmes que pour les hommes et l’économie. Il ne faut pas seulement penser, il faut agir !

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