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Les débats

Le gouvernement passe trop de temps à simplifier au risque de ne plus protéger

Catastrophes climatiques, mieux prévenir, mieux reconstruire -

Par / 29 octobre 2019

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à saluer le travail de la mission d’information, et en particulier celui de Michel Vaspart et de Nicole Bonnefoy, qui n’ont pas ménagé leurs efforts, durant des mois, et ont accordé une large place aux propositions des autres membres de cette mission, dans un esprit constructif.

Le dérèglement climatique compte parmi les plus grands défis que l’humanité a eu et aura à affronter, et il mérite à ce titre que nous mobilisions nos forces vives pour tenter d’en limiter les effets et nous préparer à ses conséquences. Au travers de l’élaboration du récent rapport d’information sur l’adaptation de la France aux changements climatiques, le Sénat a rempli de nouveau pleinement son rôle de chambre haute, capable de s’extraire des urgences du temps présent pour anticiper les bouleversements auxquels nos sociétés devront faire face à l’avenir.

L’excellent rapport de la mission d’information s’inscrit dans cette démarche et apporte des solutions pour réformer notre système assurantiel, mis à mal par la multiplication des aléas climatiques, dont chacun constate la recrudescence et la violence accrue. On a désormais du mal à compter les maisons fissurées par le retrait-gonflement des argiles lié à la sécheresse, les villages dévastés par les inondations et les coulées de boue ou les exploitations agricoles ravagées par les orages violents. Les exemples se multiplient à un rythme qui devient difficilement soutenable pour la pérennité du régime d’indemnisation actuel, dont l’intervention à temps est pourtant indispensable si l’on veut éviter que nos concitoyens perdent les fruits d’une vie de travail. La multiplication des risques ne manquera pas de poser, à terme, la question du financement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles et des calamités agricoles, que le rapport commence à évoquer.

Ce rapport comporte plusieurs propositions pour développer le fonds Barnier, que le Gouvernement serait avisé de reprendre à son compte plutôt que de siphonner les ressources de ce fonds, projet de loi de finances après projet de loi de finances...
Le rapport préconise également de renforcer le régime d’indemnisation des calamités agricoles en améliorant les garanties pour les agriculteurs et en abaissant les seuils de déclenchement de l’indemnisation. Madame la ministre, nous vous interpellons sur l’indispensable proposition n° 25 du rapport : ouvrir l’indemnisation dès que l’un des deux critères, perte de rendement ou perte de produit brut, est rempli.

Aujourd’hui, la totalité des productions, et non pas uniquement celles affectées par la catastrophe naturelle, étant intégrées dans le calcul, certaines exploitations se voient exclues du bénéfice du régime alors qu’elles ont subi une perte de rendement très importante pour certaines cultures seulement. Il en résulte un paradoxe : ce sont les exploitations présentant une meilleure résilience face aux aléas tant climatiques que de marché, à savoir celles de polyculture, qui sont les plus pénalisées par le système. C’est aberrant ! Il faut absolument que le Gouvernement agisse pour corriger cela.

J’évoquerai également le risque de sécheresse, qui s’amplifie, et la gestion de la ressource en eau, sujet qui ne fera que gagner en importance et en gravité dans les années à venir. Épisode de sécheresse après épisode de sécheresse, on constate, à l’écoute des propos du ministre de l’agriculture, que le Gouvernement n’a aucune réponse réfléchie et pérenne à apporter à cette problématique, que ce soit sur le court terme ou sur le moyen terme. Il faut engager une vaste réflexion sur la gestion de la ressource en eau, mais aussi accompagner et soutenir des pratiques moins gourmandes en eau et plus respectueuses de la biodiversité.

Je voudrais aussi aller un peu plus loin que les préconisations du rapport en évoquant le risque de la grêle, aujourd’hui uniquement couvert par le régime assurantiel privé au travers de la garantie multirisque tempête, grêle, neige, ou TGN, et par des contrats « grêle » spécifiques pour les agriculteurs.

Le risque de grêle devient de plus en plus important, avec des orages redoublant d’intensité et dont les ravages vont même jusqu’à la perte de vies humaines, comme au mois de juin 2019 en Isère. La multiplication de ces orages de grêle entraîne un renchérissement du coût des assurances privées, jusqu’à des montants devenant prohibitifs pour certains de nos concitoyens, en particulier les agriculteurs, le plus exposés à ce risque, qui ne sont que 60 % à être en mesure de s’assurer. À titre d’exemple, pour un petit arboriculteur, le coût de l’assurance contre la grêle peut représenter jusqu’à la moitié de son bénéfice annuel...

Aussi nous faut-il réfléchir à la possibilité d’intégrer le risque grêle aux régimes « CatNat » et « calamités agricoles » quand les orages dépassent un certain seuil, comme c’est le cas pour le risque tempête, assuré par le privé mais dont l’indemnisation relève du régime « catastrophes naturelles » quand les épisodes venteux dépassent 145 kilomètres à l’heure. Pour mesurer ces seuils, des classements existent, comme le « grêlimètre » proposé par l’Association nationale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques, l’Anelfa. En tout état de cause, il conviendrait que Météo-France mette en œuvre un classement similaire, dont les usages seraient multiples.

Inscrire la grêle parmi les catastrophes naturelles et, surtout, parmi les calamités agricoles, nous paraît indispensable. Si le système assurantiel privé n’est pas en mesure de faire face, il faut lui donner la possibilité de s’adosser à la puissance publique. Il nous paraît légitime de faire jouer la solidarité nationale pour protéger davantage nos agriculteurs des aléas climatiques, notamment de la grêle.

Je conclurai mon propos en insistant sur la nécessité de prévenir les risques plutôt que de les subir. Le Gouvernement est trop souvent animé avant tout par la volonté de simplifier, ce qui aboutit à détruire des normes. Cette politique est dangereuse et nous expose à une multiplication d’incidents ou d’accidents, qu’ils aient une cause humaine ou naturelle. Ubu n’a jamais gouverné la France : aucune de nos normes, notamment en matière d’urbanisme, n’a été édictée pour compliquer inutilement la vie de nos concitoyens et de nos entreprises. Ces normes visent à prévenir les risques naturels, les aléas climatiques, les erreurs humaines.

Madame la ministre, le Sénat vous fournit un rapport clé en main. Il doit permettre au Gouvernement de s’attaquer aux urgences du présent et de prévenir l’avenir. Je vous invite vivement à vous en saisir.

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