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Les débats

Les politiques successives ont conduit à l’affaiblissement du système ferroviaire national

Avenir de l’industrie ferroviaire française -

Par / 9 juin 2015

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’industrie ferroviaire, l’un des fleurons de notre industrie nationale, est aujourd’hui confrontée à une situation préoccupante.

Ainsi, selon les professionnels, près de 10 000 emplois sur 30 000 seraient menacés d’ici à 2018. En effet, le niveau des commandes fermes à cet horizon est deux fois moindre qu’en 2014 ; il atteint péniblement 1 179 000 heures de production.

Si le secteur souffre, comme l’ensemble de l’industrie, de la crise économique et de la mondialisation, il est aujourd’hui doublement pénalisé par l’absence de politique publique ferroviaire ambitieuse.

En effet, la situation actuelle est la conséquence non seulement de la réduction de la commande publique, mais surtout d’un manque de stratégie visant à conserver une industrie forte en France.

Plus particulièrement, les politiques successives – car cette situation n’est pas nouvelle, cher collègue Louis Nègre ! – ont conduit à l’affaiblissement du système ferroviaire national, provoquant une contraction de l’offre ferroviaire, préjudiciable à l’emploi comme au service aux usagers.

Aujourd’hui, les entreprises attendent beaucoup du Grand Paris, qui peine d’ailleurs à se mettre en place, nous le voyons bien. Quoi qu’il en soit, quand bien même elles gagneraient tous les appels d’offres liés à ce projet, elles devraient tout de même supprimer des emplois et des sites de production ; c’est la triste réalité !

Il faut le redire, le poids de la dette ferroviaire plombe les capacités d’investissement du système ferroviaire, pénalisant donc directement l’industrie ferroviaire nationale, privée de l’offre intérieure. Cela est d’ailleurs confirmé par le Gouvernement, qui, interpellé sur cette question, ne fixe comme horizon pour l’industrie ferroviaire que l’exportation…

Toutes les branches d’activité sont aujourd’hui touchées par ce désengagement industriel.

C’est le cas des TER. La diminution des moyens des régions et l’augmentation de leurs compétences entament leur capacité d’investissement. Ainsi, le chiffre d’affaires sur ce segment d’activité devrait tomber, selon les prévisions, de 1,4 milliard d’euros en 2014 à 300 millions d’euros en 2018. Sur 1 860 commandes de train, seules 315 ont été confirmées. Toutefois, il faut saluer ici l’engagement des régions, qui ont assumé leurs responsabilités dans ce domaine. Je suis certaine qu’elles seraient prêtes à continuer si on leur en donnait les moyens.

C’est aussi le cas du TGV. Le rapport remis par la Cour des comptes a semblé sonner le glas de celui-ci, limitant les perspectives industrielles dès 2019. À ce sujet, nous attendons que les annonces du ministre de l’économie concernant un appel d’offres pour le TGV du futur soient suivies d’effets. Nous aimerions obtenir des précisions à ce sujet.

C’est encore le cas du fret. Jugé insuffisamment rentable, il est sacrifié depuis dix ans. Le projet d’autoroute ferroviaire a également été arrêté. L’entreprise Lohr Industrie devait fabriquer les wagons pour plus de 105 millions d’euros, ce qui représentait trois ans et demi de travail pour la société et ses sous-traitants.

C’est enfin le cas des trains d’équilibre du territoire. La volonté du Gouvernement de revenir à un équilibre financier pour ces lignes d’intérêt général conduit de fait à réduire l’offre de liaisons ferroviaires. À la fin 2013, l’État s’était engagé à renouveler intégralement un parc vieillissant. Seule la première tranche a été engagée, à hauteur de 500 millions d’euros. Qu’en sera-t-il demain ?

C’est, à l’évidence, une situation très difficile, voire dramatique.

Et que dire du changement de comportement de l’État, qui se désengage des entreprises publiques ?

La privatisation d’Alstom a modifié en profondeur le modèle de l’industrie ferroviaire. Jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, la SNCF régnait sur l’ingénierie ferroviaire, imprimant de fait une certaine organisation à cette industrie. L’abandon de ce rôle a conduit à l’éclatement de la filière. Bercy a clairement fait le choix de devenir un actionnaire comme les autres. C’est plus simple, et cela évite de mettre les mains dans le cambouis ! Auparavant, la fabrication du matériel s’effectuait par un travail en commun entre l’utilisateur et le constructeur. Une distance entre les deux ingénieries s’est installée, qui a conduit à une perte de savoir-faire au sein de l’opérateur public. C’est le contraire du système ferroviaire intégré que, vous le savez, nous défendons depuis toujours.

Malheureusement, l’État se comporte aujourd’hui en fonction d’intérêts de court terme et de la rentabilité financière.

Je conclurai en vous rappelant le travail réalisé par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale présidée par Alain Bocquet en 2011. Parmi ses vingt-cinq préconisations, quelques-unes pourraient aujourd’hui être très utilement mises en œuvre.

D’abord, et parce que les sous-traitants affrontent plus brutalement encore la crise, il convient de favoriser les coopérations pour que les sous-traitants d’aujourd’hui deviennent des cotraitants.

Ensuite, Alstom, Bombardier et Siemens sont aujourd’hui concurrents. Ne faut-il pas imaginer un Airbus du rail – un orateur précédent le suggérait également –, dans lequel ces trois groupes et d’autres constructeurs coopéreraient ?

En outre, nous souhaitons l’intégration dans les marchés publics de clauses en matière d’emploi, mais aussi d’environnement, afin de répondre aux enjeux de la transition énergétique. Il ne serait pas anormal non plus de favoriser les entreprises nationales.

Enfin, il faut réfléchir à la création d’un fonds d’investissement et de modernisation des équipements ferroviaires permettant un accès facilité aux aides à l’investissement dans la recherche et le développement. La condition, là aussi, est que la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement ne raisonnent pas comme des actionnaires libéraux.

Surtout, il est urgent d’engager de nouveau une politique publique ferroviaire ambitieuse, portant le projet de renforcer la mobilité et l’aménagement du territoire, en vue de répondre aux enjeux environnementaux et de service public, mais aussi conserver les usines et les emplois en France.

J’évoquerai une dernière piste, étant particulièrement sensible aux enjeux de l’économie circulaire. Il semble nécessaire de créer une véritable filière industrielle nationale du démantèlement et du recyclage pour le matériel roulant.

Voilà les quelques pistes de réflexion qui mériteraient d’être sérieusement étudiées. Sans acte fort et déterminant du Gouvernement, il y a fort à parier que des sites industriels fermeront prochainement – le cas de Reichshoffen, qui me tient à cœur, même si je ne suis pas élue en Alsace, a été évoqué – et que la France perdra encore une industrie.

Ce n’est pas le cas de l’Allemagne, qui, grâce à des initiatives très fortes, est en train de reconquérir son marché intérieur. Certains érigent notre voisin d’outre-Rhin en modèle. Peut-être feraient-ils bien de s’inspirer aussi de son attachement à la défense de ses intérêts !

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