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Les débats

Les réformes récentes ne font que consacrer des diminutions de moyens

Quel avenir pour l’enseignement agricole ? -

Par / 30 octobre 2019

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la continuité de l’intervention de mon collègue Pierre Ouzoulias, j’évoquerai de manière concrète la réalité de l’enseignement agricole dans ma région, la Normandie.

Je commencerai par le budget pour 2020 : après la suppression de vingt postes d’enseignants dans le secteur public l’an dernier, il prévoit trente-cinq nouvelles suppressions. Nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi de finances.

Alors même que, après plusieurs années de recul des effectifs, le nombre d’élèves va augmenter, cette hausse, souhaitable pour le monde agricole et, plus largement, pour l’ensemble de notre société, va donc être accueillie par une dégradation de la qualité de l’accueil, avec d’inévitables conséquences sur celle de l’enseignement.

Le relèvement des seuils de dédoublement est particulièrement néfaste à nos yeux. Ainsi, comment imaginer réaliser des travaux pratiques dans de bonnes conditions avec des effectifs augmentés d’au moins trois élèves, quand il s’agit, par exemple, de manier des outils dangereux, comme c’est le cas en baccalauréat professionnel Travaux paysagers au lycée horticole de Fauville ou en zootechnie dans le pays de Bray ? Je dis : trois élèves au moins, car ces seuils deviennent indicatifs ; on peut facilement imaginer ce qu’il en adviendra sous la pression de restrictions budgétaires malheureusement constantes... Avec, à la clé, des problèmes extrêmement concrets, comme celui des salles informatiques du lycée agricole d’Évreux, conçues et équipées pour accueillir seize élèves au maximum.

On pourrait évoquer aussi les conséquences de la réforme du lycée dans la voie générale agricole. Cette réforme conduit à faire choisir aux élèves deux enseignements de spécialité et deux enseignements optionnels spécifiques à l’agriculture, certaines disciplines fondamentales étant d’ailleurs dispensées sous forme optionnelle. Dans les faits, les diminutions de moyens, en termes tant de dotation horaire globale que de postes, conduisent à choisir entre enseignements de spécialité et options facultatives. Celles-ci permettent pourtant aux jeunes de se spécialiser dans une discipline, puis de s’orienter vers un BTS correspondant ; elles rendent également tel ou tel établissement plus attractif, ce qui est aussi important dans un certain nombre de nos territoires.

En la matière comme pour ce qui est des dédoublements, l’autonomie des établissements renvoie à la salle des profs des arbitrages qui devraient être rendus ailleurs, notamment à la direction générale de l’enseignement et de la recherche, contraignant les enseignants, dans un contexte austéritaire, à choisir la « moins pire » des solutions – passez-moi l’expression.

Par ailleurs, de nombreux questionnements entourent la place accordée au stage professionnel dans le cadre du baccalauréat technologique STAV, ou sciences et technologies de l’agronomie et du vivant, proposé notamment par le lycée agricole d’Yvetot, dans mon département. Sans qu’on en comprenne les motivations pédagogiques, ce stage est détricoté, les cinq semaines prévues pouvant être « saucissonnées » en différentes périodes. Surtout, il ne donne plus lieu à évaluation, alors même que ce baccalauréat professionnel donne la capacité d’installation. Monsieur le ministre, une large intersyndicale a eu beau interroger vos services à de nombreuses reprises sur cette question, rien n’y a fait !

J’aimerais évoquer aussi, trop brièvement, les lycées professionnels maritimes, qui témoignent de la situation critique dans laquelle nous nous trouvons.

Critique, car le métier de marin-pêcheur connaît lui aussi une crise de recrutement, en partie liée à un manque de considération pour ces formations. Ainsi, depuis 2007, les effectifs de marins-pêcheurs ont chuté de 14 %. Même dans les familles de ces professionnels, on observe un assèchement des recrutements. En cause, comme le fait apparaître le récent rapport de notre collègue député Sébastien Jumel, la mauvaise image de la voie professionnelle, mais aussi un maillage territorial insuffisant, avec seulement douze lycées professionnels maritimes, et surtout des moyens qui ne permettent pas d’accueillir les lycéens en pension complète. Cela conduit ces établissements à recruter quasi exclusivement des jeunes présents sur leur territoire, quand beaucoup d’autres, en recherche de formation mais éloignés, pourraient s’y épanouir.

Il en va de même pour le contenu des formations dans le cas de la voie professionnelle. Par exemple, les exigences de la pêche durable ne sont enseignées que sous la forme de réglementations à respecter ou d’une courte sensibilisation en classe de seconde, alors que cette dimension devrait faire partie intégrante de la formation, avec des sorties sur le terrain et des rencontres avec l’Observatoire de la biodiversité marine, comme dans le cadre du BTS Pêche et gestion de l’environnement marin.

Telle est, hélas, l’ambition du Gouvernement pour l’enseignement agricole, à plus forte raison lorsqu’il est professionnel, pour les territoires ruraux où il se situe bien souvent et pour des métiers pour la plupart en souffrance. L’exemple de la pêche, sur lequel je me suis attardée car il est trop rarement évoqué, permet de prendre conscience de ce qui se joue.

Pour être juste, monsieur le ministre, si j’ai mis le doigt sur des décisions récentes, il est évident que le manque de considération de ces enseignements est très ancien. Si nous voulons entendre le message du monde agricole, qui proteste contre ce que d’aucuns appellent l’agri-bashing, nous devons redonner toute son ambition à l’enseignement agricole. Nous y sommes pour notre part déterminés ; nous avons de nombreuses propositions à faire, que je n’ai pas le temps d’énumérer à cet instant.

Puisse notre débat de cet après-midi contribuer à redonner à l’enseignement agricole toutes ses couleurs !

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