Groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste - Kanaky

Les débats

Reconnaissons le rôle des océans dans la construction d’un futur durable

Souveraineté maritime française -

Par / 4 janvier 2022

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec ses onze millions de kilomètres carrés, l’espace maritime français représente le deuxième territoire maritime le plus important du monde.

Que faisons-nous de cette immense responsabilité aux enjeux multidimensionnels ? Cette responsabilité, je la mentionne non seulement à travers la fenêtre étroite du débat demandé ce soir par le groupe Les Républicains, celle de la garantie de nos intérêts économiques et stratégiques, mais aussi avec la hauteur qui sied au rôle que devrait jouer la France pour la protection de ce bien commun mondial stratégique pour l’avenir de la planète.

N’oublions pas les mots du poète : « La terre est bleue comme une orange. » Elle est bleue comme la masse des océans.

Il y a bien deux manières d’entrer dans ce débat : la recherche de la puissance, stratégique, économique, militaire, qui place inévitablement mers et océans au cœur de la compétition mondiale, ou la prise de conscience du rôle nouveau que peuvent jouer mers et océans dans la construction d’un futur durable pour l’humanité tout entière.

Je crois que la France, sans naïveté aucune sur les rivalités de puissance qui se jouent sur les mers, devrait choisir la seconde approche. Elle nous donnerait plus d’ambition pour faire de notre souveraineté maritime un atout au service du bien commun mondial. Elle nous ouvrirait des champs immenses d’alliances et de coopérations nouvelles.

L’approche dominante de la mer et des océans reste calquée sur la conception de la mondialisation et des échanges, historiquement construite autour du contrôle politique, économique et militaire des grandes routes maritimes géostratégiques reliant de port en port les zones de ressources et de matières premières aux riches nations occidentales.

Nous prétendons maintenir à tout prix ce contrôle, alors que des régions entières nouvelles demandent à contrôler leurs ressources et à disposer elles aussi d’un droit d’accès à ces grandes voies de circulation mondiales, et que, d’autre part, réchauffement climatique et bouleversements géopolitiques redessinent la carte du monde et font surgir de nouveaux enjeux.

Résultat : notre vision de la sécurisation de l’espace maritime est doublement dépassée. Elle est centrée sur une vision dépassée de nos intérêts, et elle sous-estime les nouvelles ambitions nécessaires pour une stratégie maritime au service de la sécurité globale planétaire.

Tout montre, par exemple, la place grandissante des enjeux de protection civile et de protection de l’environnement dans la mission même de nos moyens militaires maritimes. Les exemples sont nombreux en la matière.

Tout montre aussi, dans ces cas comme dans bien d’autres, la faillite de la gestion européenne ou mondiale des crises. Rappelons-nous ainsi, s’agissant du secours aux migrants en mer, le sabordage de l’opération Sophia que nous avions tenté de construire, et ses conséquences qui font aujourd’hui des routes de l’exil les routes migratoires les plus dangereuses du monde en mer, selon les organisations non gouvernementales.

Pourtant, notre priorité n’est, semble-t-il, pas là. Notre approche sécuritaire reste avant tout militaire. Là encore, pour quels résultats ?

En Europe, le renouvellement des moyens de patrouille militaire bute sur le choix allemand de se fournir plutôt auprès de Boeing que de Dassault, l’Allemagne tournant ainsi, une fois encore, le dos à l’autonomie européenne. Dans l’Indopacifique, États-Unis et Royaume-Uni nous ont écartés sans ménagement du contrat des sous-marins australiens.

Faut-il dès lors courir après l’escalade à la confrontation militaire ? Je crois que ce serait une folie.

C’est une autre conception qu’il convient de déployer. Mon camarade et collègue Jean-Paul Lecoq soulignait récemment, à l’Assemblée nationale, l’ampleur des actions stratégiques à conduire pour protéger et développer notre espace maritime : surveillance, sauvetage, lutte contre la piraterie et le brigandage maritime, lutte contre les pollutions de toute sorte, accidentelles ou criminelles, lutte pour la dépollution des océans, protection des ressources halieutiques et naturelles, aide en cas de catastrophe naturelle.

Nous devons tenir notre rang au service de la sécurité globale. Les domaines où il convient d’investir sont nombreux et ils sont à notre portée si nous mobilisons nos atouts nationaux et multiplions les coopérations internationales : pour relever les grands défis écologiques – les grandes invasions biologiques marines, par exemple –, développer une nouvelle conception de la pêche axée sur la protection des ressources halieutiques, réinvestir dans la construction navale, incroyablement délaissée dans notre pays qui possède pourtant le deuxième espace maritime mondial, et œuvrer pour le retour d’un État stratège dans le développement de nos ports, en métropole comme en outre-mer, ainsi que pour le développement des énergies marines renouvelables.

C’est au service de la protection de cette nouvelle conception de notre politique maritime que nous devrions réfléchir.

Je souhaite enfin dire un dernier mot sur une question qui vient d’être évoquée.

Les fonds marins regorgent de minerais précieux, de métaux rares. De nombreux États font la course pour accaparer ces ressources stratégiques. Lors du dernier congrès de l’UICN qui s’est tenu à Marseille, 81 % des États et 95 % des ONG ont voté en faveur de la motion demandant un moratoire sur l’exploitation et l’exploration minière des fonds marins. La France s’est abstenue.

Nous suggérons au contraire que la France reprenne cette proposition de moratoire, et propose aux États concernés de signer ensemble un traité international visant à protéger les fonds marins de toute exploitation.

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