Les questions écrites
Logement : et si on commençait par respecter la loi ?
Par Fabien Gay / 4 décembre 2023Monsieur Fabien Gay alerte le ministre du logement sur l’interdiction faites aux préfets d’attribuer aux personnes bénéficiant du droit au logement opposable un logement social dans les quartiers prioritaires de la Ville.
Le 27 octobre dernier, la première ministre annonçait son intention de donner comme consigne aux préfets l’impossibilité d’attribuer des logements aux ménages reconnus éligibles au droit au logement opposable (DALO) dans les quartiers prioritaires, et l’interdiction d’y créer de nouvelles places d’hébergement.
En 2022, ce sont près de 35 000 personnes qui ont obtenu la reconnaissance de ce droit, s’ajoutant à une file active de 93 000 personnes qui restent toujours en attente d’un relogement, en grande majorité en région parisienne.
Cette mesure concernerait uniquement les bénéficiaires du DALO les plus démunis, par exemple ceux qui sont sans emploi. Cette annonce, en réaction aux émeutes qui se sont déroulées sur l’année 2023, a été présentée comme une mesure tendant à favoriser la mixité sociale.
Dans un contexte d’explosion des demandes de logements sociaux, et alors que le nombre de personnes sans-abris n’a de cesse d’augmenter, cette décision inquiète élus et représentants associatifs.
En Seine-Saint-Denis notamment, cette mesure risque d’empêcher de nombreux ménages de s’installer sur le territoire, seules 7 villes sur 40 ne comportant pas de quartiers de politiques de la ville. Pour des villes comme Aubervilliers ou La Courneuve, ces quartiers recouvrent une majeure partie de la commune.
Afin de favoriser la mixité sociale de manière effective, de nombreux autres leviers pouvaient être actionnés.
Notamment, la première ministre n’a rien annoncé quant au renforcement des obligations de la loi SRU, alors que prêt de 1 100 communes ne s’y conforment toujours pas. En Seine-Saint-Denis, 8 villes sur 40 se trouvent dans cette situation.
Plus encore, la Loi Egalité Citoyenneté de 2017 dispose qu’au moins un quart des logements sociaux hors quartier prioritaire de la Ville doivent être consacrés au 25% des demandeurs disposant des ressources les plus faibles. D’après une étude de l’Agence nationale de contrôle du logement social de juin 2021, ces attributions n’atteignaient que 15,5% au niveau national et seules 8 % des intercommunalités concernées par la réforme atteignent le seuil fixé par la loi (ce chiffre tombant même à 4% sur les territoires en zones tendues).
Enfin, le relogement des ménages bénéficiant du DALO ne doit pas reposer que sur le contingent de logements sociaux de l’Etat. Les communes, et les bailleurs sociaux notamment sont aussi tenus de consacrer un quart de leurs attributions aux ménages prioritaires, mais cette obligation reste encore très largement non respectée.
Ainsi, comme le soulignait Manuel Domergue, directeur des études pour la fondation Abbé Pierre, cette mesure, seule, risque d’emporter des effets très négatifs à l’égard des bénéficiaires du DALO avec une restriction d’accès des plus précaires aux logements en quartiers pauvres, au lieu de favoriser leur accès aux quartiers plus aisés.
Il souhaiterait donc savoir si le gouvernement entend modifier cette consigne donnée aux autorités préfectorales, et s’il est prévu de demander aux préfets un renforcement du contrôle des obligations nées tant de la loi SRU que de la loi Égalité Citoyenneté.