La source d’une telle erreur réside dans l’inflation législative

Monsieur le président, madame la garde des Sceaux, mes chers collègues, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC approuveront évidemment le rétablissement de la pénalisation du financement d’un parti politique par une personne morale, qui constitue l’un des socles de la législation nouvelle organisant le financement de la vie politique engagée depuis 1988.

Le financement des partis et des campagnes électorales par des personnes morales, de droit privé en particulier, fut alors considéré comme un élément pervertissant profondément notre système politique.

Il est donc urgent de rétablir au plus vite les diverses dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne censurées par le Conseil constitutionnel. Le cavalier législatif - ce n’était pas le seul ! - dans ce texte était bien trop visible.

Cependant, notre court débat doit, me semble-t-il, être l’occasion d’examiner comment une erreur aussi « grossière » a pu se glisser dans un texte législatif concernant un sujet aussi sensible.

La grande compétence et le souci du détail de notre collègue Jean-Pierre Sueur ne peuvent pas être en cause. La qualité des services du Sénat, la formation et la haute technicité des administrateurs et du personnel des commissions de notre Haute Assemblée sont reconnues en France,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et à l’étranger !

Mme Éliane Assassi. … et au-delà de nos frontières.

Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux. C’était bien de le dire.

Mme Éliane Assassi. Les services du Gouvernement, qui, si je ne m’abuse, examinent les amendements, ont également ces grandes qualités. L’ensemble des sénatrices et des sénateurs, les collaboratrices et les collaborateurs n’ont pas pu être aussi clairvoyants.

La responsabilité est donc ailleurs. Comme cela a été souligné avec force par Jean-Pierre Sueur, la source d’une telle erreur réside dans l’inflation législative et la multiplication des procédures accélérées qui en découle, précipitant les débats et limitant la navette.

Le débat est d’autant plus intéressant qu’il intervient à un moment de notre histoire parlementaire où l’obsession de beaucoup est l’accélération des débats, le combat contre la « lenteur législative » qu’évoque le Président de la République lui-même. La force du parlement français, le rôle particulier du Sénat dans ce cadre, c’est son excellence juridique. Devra-t-on bientôt en parler au passé ?

Dans de nombreux débats, lors de la récente discussion sur la modification du règlement du Sénat, avec les membres de mon groupe, nous nous sommes sentis bien seuls pour rappeler ce qui apparaît aujourd’hui comme une évidence : il faut bien faire la loi, pour qu’elle soit intelligible, appliquée, fondée juridiquement et politiquement !

Prendre le temps du débat, ce n’est pas une fantaisie de « parlementariste » invétérée ; c’est l’affirmation d’un sens aigu des responsabilités !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je suis tout à fait d’accord !

Mme Éliane Assassi. La défense des droits du Parlement, du droit d’amendement et du droit au débat est un souci constant de mon groupe.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est un cas d’école. Je comprends la gêne qui entoure ce débat : la précipitation a permis, par exemple, à un parti politique particulièrement donneur de leçons d’échapper à une juste sanction pour financement illicite avéré. Je comprends également la gêne lorsque la responsabilité de cette grave situation est à trouver dans l’abaissement du rôle du Parlement, réduit à celui d’une chambre d’enregistrement en accéléré.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré ces quelques remarques, nous voterons en faveur de la présente proposition de loi.

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