Une politique ambitieuse en matière de prévention ne peut reposer que sur une augmentation des moyens

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion du budget de la mission « Santé » de ce projet de loi de finances doit être menée, à notre avis, en parallèle avec l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.

Alors que le Gouvernement a fortement communiqué sur les objectifs ambitieux contenus dans ce projet de loi en matière de prévention, l’augmentation du budget de la mission « Santé » est limitée à 4,7 %. Certes, ce taux dépasse le curseur des 3 % imposé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, mais nous ne pouvons que regretter vivement les réductions de budget induites sur certaines actions.

Le Gouvernement a mis en avant les mesures de prévention destinées à lutter contre l’obésité et le cancer. En réalité, ces moyens supplémentaires ont été retirés à d’autres dispositifs. Ainsi, les crédits de l’action n° 12, Accès à la santé et éducation à la santé, ont diminué de 5 %, ceux de l’action n° 13, Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins, de 13,6 %, ceux de l’action n° 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, de 13,3 % par rapport à 2015.

En définitive, il s’agit d’un transfert de crédits, qui ne répond pas aux besoins de prévention, car, malheureusement, les enveloppes restent contraintes.

Dans le champ de l’accès à la santé et de l’éducation à la santé, par exemple, comment voulez-vous agir concrètement en amont des maladies, si vous réduisez les moyens consacrés à l’éducation à la santé, premier pas vers une action globale en faveur de la prévention ?

L’accès et l’éducation à la santé permettent de prévenir les comportements à risque et de réduire leurs conséquences. Ces dispositifs s’adressent à tous les publics, y compris, et de manière prioritaire, aux populations les plus précaires.

Pour notre groupe, une politique ambitieuse en matière de prévention ne peut reposer que sur une augmentation des moyens.

De même, comment voulez-vous lutter pour la « prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins » en réduisant les moyens de 8,3 millions d’euros ? D’autant que l’on constate une baisse de la vigilance dans les pratiques liées aux transmissions du VIH, des infections sexuellement transmissibles et des hépatites.

Madame la secrétaire d’État, je veux ici attirer votre attention sur la mise en œuvre d’un plan d’échange des seringues à l’intérieur des prisons, dont il n’est pas question dans cette mission, alors qu’il s’agit bien de santé publique !

Enfin, comment pouvez-vous réduire de 13 % les crédits de l’action « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades », alors même que vous indiquez que, « touchant près de 15 millions de personnes, ces maladies chroniques sont à l’origine de 60 % des décès, dont la moitié avant l’âge de 70 ans » et que, « à ce titre, elles constituent un défi pour le système de santé tant sur le plan financier que dans l’organisation des soins » ?

Le choix du Gouvernement consiste à opérer un recentrage des moyens destinés aux actions de prévention autour de la gratuité des examens de dépistage des femmes, la prévention de l’obésité chez les enfants à risque, la prise en charge intégrale du parcours de contraception des mineures.

Nous soutenons les choix que vous faites et les publics qui sont ciblés, mais nous déplorons que ces choix se fassent au détriment d’autres secteurs, alors que la prévention a toujours été le parent pauvre de la politique de santé publique. En outre, dans le projet de loi relatif à la santé, vous avez mis les centres de santé au cœur des politiques de santé publique, mais il s’agit maintenant de leur accorder les moyens nécessaires à l’exercice de leurs missions.

Plus généralement, il faut agir sur les conditions de vie, de travail, l’information au système de santé, réduire les barrières financières, agir sur les déterminants de santé pour mener une politique de prévention à la hauteur des besoins. Nous en sommes malheureusement encore très loin.

S’agissant du programme « Protection maladie », dont 60 % des crédits sont destinés à l’aide médicale de l’État, nous devons augmenter les moyens pour les populations réfugiées. Vous l’aurez deviné, mes chers collègues, nous sommes en total désaccord avec l’amendement de la commission des finances : ce n’est pas un scoop !

L’État doit intervenir pour prendre en charge les soins sans distinction d’origine et de nationalité des malades, car il est de notre devoir de les soigner et d’éviter les risques d’épidémie. Nous refusons toute politique qui discrimine, exclut, oppose les populations entre elles, notamment parmi les plus pauvres et les plus fragiles.

Enfin, le projet de loi relatif à la santé, qui est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, prévoit la réorganisation des établissements publics et entraîne une diminution de 3,1 % des subventions pour charge de service public allouées aux opérateurs sanitaires.

Cette diminution des crédits prévue en 2016 s’ajoute à la réduction de 4,4 % des dotations allouées en 2015. C’est d’autant plus paradoxal qu’il est dans les intentions du projet de loi d’améliorer le contrôle, notamment à la suite du scandale du Mediator.

En clair, vous demandez aux agences de faire plus avec moins de moyens ! Vous ne pouvez indéfiniment prétendre améliorer la transparence et la démocratie sanitaire si, dans le même temps, vous réduisez les effectifs et les subventions pour effectuer les contrôles. Membre du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, je sais les difficultés rencontrées.

Vous faites de la prévention du cancer du sein chez les femmes une priorité, mais, en parallèle, vous réduisez la subvention annuelle de l’Institut national du cancer de 6,5 millions d’euros. Comment voulez-vous améliorer la recherche dans ces conditions ? Je crois que le Gouvernement a une vision budgétaire à court terme qui, au fond, remet en cause la santé publique pour l’avenir.

Naturellement, il est difficile de dresser en si peu de temps le bilan d’une mission qui touche à de nombreux secteurs. Toutefois, avant de conclure, je veux souligner que notre groupe, malgré les critiques que j’ai formulées par ailleurs, est favorable à l’article 62 quinquies qui est rattaché aux crédits de cette mission : les associations représentant les victimes de l’amiante demandaient depuis de nombreuses années que celles-ci ne soient pas obligées de rembourser les sommes perçues indûment en raison de l’instabilité des règles d’indemnisation.

Mes chers collègues, nous jugeons les moyens de la mission « Santé » largement insuffisants et nous sommes choqués qu’en cette période de crise, d’afflux de populations chassées par les guerres ou le réchauffement climatique, le Sénat puisse proposer une diminution des crédits destinés à l’aide médicale de l’État.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Santé ».

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