Des réponses qui manquent trop souvent d’ambition

Des réponses qui manquent trop souvent d'ambition - Projet de loi de finances pour 2016 : enseignement scolaire (Pixabay)

Rapporteur spécial de la commission des finances.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, avec plus de 67 milliards d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement, la mission « Enseignement scolaire » constitue, pour la deuxième année consécutive, le premier budget de la France. Ce budget s’inscrit dans la continuité des précédents exercices, qui visaient notamment à revenir sur une partie des 80 000 suppressions de postes décidées sous le précédent quinquennat.

Cette politique de coupes drastiques dans les effectifs s’était en effet traduite par un sentiment d’incompréhension au sein du corps enseignant, par une « souffrance ordinaire », comme l’a très justement rappelé Brigitte Gonthier-Maurin dans un rapport d’information en 2012.

La critique récurrente sur les prétendus « surnombres » dans l’éducation nationale me semble dépassée, les coupes franches intervenues dans les effectifs sous le précédent quinquennat y ayant plus que répondu. Ceux qui appellent à des diminutions d’effectifs sont d’ailleurs les premiers à critiquer la fermeture de classes dans leur commune, leur département ou leur région.

Je pense, pour ma part, que les créations de postes prévues dans le projet de loi de finances pour 2016 sont indispensables si l’on veut apporter une réponse aux besoins des élèves et des enseignants et contribuer à la réduction des inégalités sociales et à la résorption de la fracture territoriale.

Cependant, la crise du recrutement est sévère et révèle un phénomène profond et durable, qui ne doit plus être envisagé isolément comme le problème de telle ou telle académie.

Au mois de juillet dernier, le ministère a décidé de mettre fin au recrutement des emplois d’avenir professeurs à la rentrée de 2015, pour leur substituer des « masters en alternance ». Les étudiants perçoivent une rémunération en tant que contractuels, payés à temps plein, pour douze semaines dans des classes en responsabilité. Tout cela s’est fait dans une très grande discrétion, pour ne pas dire plus, et je veux profiter de ce débat budgétaire pour évoquer ce nouveau dispositif, sur lequel le budget est quasi muet.

Le Gouvernement a fait en 2012 le choix de mettre en place des emplois d’avenir professeur, plutôt qu’un véritable système de prérecrutement. Ce choix n’a pas permis de faire remonter le nombre des candidatures dans les disciplines déficitaires, notamment en mathématiques, et ce pour au moins deux raisons : il y avait dans ces disciplines peu de candidats satisfaisant aux conditions nécessaires pour devenir emploi d’avenir professeur et le travail exigé par ce statut ne permettait pas aux étudiants recrutés de réussir leurs études dans de bonnes conditions.

Depuis la rentrée dernière a été lancé un « master en alternance », expérimenté notamment dans l’académie de Créteil.

Contractuels, ces « alternants » sont censés suivre un master 1 avec une semaine de stage en observation, puis douze semaines dans les classes en responsabilité, en remplacement d’enseignants titulaires. Seule une semaine de « pratique accompagnée » est prévue au début de l’année.

Cette façon d’appréhender la formation, sans que l’étudiant ait plus de temps pour préparer son stage avec l’enseignant titulaire en charge de la classe et sans suivi, s’apparente davantage à du remplacement qu’à de la formation.

De plus, je m’inquiète de la diminution du nombre d’heures de formation pour ces « masters en alternance » – 268 heures –, soit une perte de 220 heures par rapport aux étudiants en master 1. Le risque est grand que ce dispositif ne rencontre les mêmes écueils. Surtout, il ne peut être l’unique réponse aux problèmes de recrutement. Je plaide donc de nouveau pour l’instauration de prérecrutements, dès la licence.

Par ailleurs, en matière de rémunérations, des efforts ont été consentis, mais on ne peut se satisfaire d’une situation où les enseignants ont vu leur pouvoir d’achat diminuer de 1 % en 2013. L’amélioration des conditions matérielles des enseignants est un levier sur lequel on ne peut faire l’impasse pour relancer l’attractivité du métier.

J’en viens à la question de l’accompagnement de la réforme des rythmes scolaires. La minoration des crédits destinés au fonds de soutien au développement des activités périscolaires me semble regrettable dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités et de surcoûts engendrés par les réformes du collège et des programmes. La sous-dotation de ce fonds tient aux hypothèses retenues. Le budget se fonde sur une hypothèse de 80 % de communes couvertes par un projet éducatif territorial. Nous sommes déjà à plus de 82 % : il manque donc environ 72 millions d’euros.

Enfin, l’an dernier, j’ai appelé votre attention sur les difficultés rencontrées par certains jeunes, notamment dans l’enseignement technique agricole, pour réaliser leur alternance, faute de formations proposées ou d’entreprises volontaires. J’ai pu constater sur le terrain que ces difficultés demeuraient, alors que, dans le même temps, certains métiers connaissaient une pénurie de main-d’œuvre.

Mes chers collègues, si ce budget apporte certaines réponses bienvenues, il me semble que celles-ci manquent trop souvent d’ambition. C’est pourquoi, pour l’instant, je m’abstiendrai sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », en attendant la discussion des amendements.

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