Les personnels de justice espèrent un sursaut, une prise de conscience des enjeux et de l’urgence d’agir

Lettre au ministre de la Justice sur le manque de moyens financiers et humains.

Monsieur le Garde des Sceaux,

Je souhaite attirer votre attention sur la situation de crise à laquelle sont confrontés les personnels de justice de notre Pays.

Il y a quelques semaines, j’ai rencontré à ma permanence, Monsieur François Touron, Procureur de la République installé au Tribunal de Grande Instance de vannes depuis fin 2015. A l’occasion d’un entretien, il m’a fait part des préoccupations qu’ils partagent avec l’ensemble des magistrats et auxiliaire de justice. Il m’a exposé la situation au tribunal de grande instance de Vannes, où les moyens humains et financiers sont bien en deçà des besoins réels. Lors des audiences solennelles de rentrée, les différentes juridictions qui se sont succédées pour acter l’ouverture de l’année judiciaire 2016, ont d’ailleurs elles aussi exprimé de grandes inquiétudes face à la situation de critique dans laquelle se trouve notre institution.

En 2014, votre prédécesseur, Mme Christiane TAUBIRA s’était d’ailleurs exprimée publiquement sur le sujet. Elle avait indiqué regretter le manque de moyens alloués au budget depuis plusieurs années et admis qu’il se manifestait par la lenteur du système. Les personnels de justice avaient alors espéré un sursaut de votre Gouvernement, une prise de conscience des enjeux et de l’urgence d’agir.

Aujourd’hui leur espérance est déçue, car juger et mettre en œuvre des décisions de justice nécessitent des moyens matériels qui continuent de faire gravement défaut, pire encore, qui s’accroissent. Les professionnels demandent simplement à pouvoir faire leur travail dans de bonnes conditions.

Vous demandez à la justice d’être à la fois efficace, rentable, économe et de participer aux efforts de restrictions des dépenses publiques. Ainsi pour faire face au départ en retraite massif de magistrats qui n’avait pas été anticipé jusque là, la création de 500 postes de professionnels nouveaux chaque année ne peut pas suffire. Au contraire, le doublement du nombre des magistrats et des personnels est devenu incontournable, d’autant qu’à présent, leur sont confiées de nouvelles missions, qui concernent notamment "l’état d’urgence", la prise en charge des mineurs isolés étrangers, le dispositif du téléphone "grave danger" pour les violences conjugales, la mise en place de la contrainte pénale, etc, sans aucun poste supplémentaire.

Vous le savez, l’insuffisance de postes de magistrats et de greffiers place la France au bas du tableau des pays équivalent en terme de contraintes législatives et de niveau économique (1,9% des dépenses publiques sont consacrées à la justice). Bien que le budget ait augmenté depuis le début du quinquennat du Président Hollande, il n’en reste pas moins insuffisant.

A titre d’exemple, au Tribunal de grande instance de vannes en 2015, les fonctionnaires étaient en équivalent temps plein travaillé 34,96 pour 35 postes budgétaires ; 3,3 au parquet pour 5 postes et 10,53 pour 14 postes au siège. Lors de l’audience solennelle de rentrée, la Présidente s’est exprimée au nom de l’ensemble des magistrats, indiquant que l’expression symbolisant le mieux leur état d’esprit était "faire face", regrettant de ne pouvoir en utiliser d’autres, telles que "construire une nouvelle justice, plus fluide, plus lisible...". A mon tour, je le regrette vivement, pour ces femmes et ces hommes, acteurs de notre justice et pour chaque citoyen, pour qui l’administration judiciaire se doit d’être la gardienne des libertés.

Connaissant votre attachement au respect des lois de notre République et à la protection des libertés individuelles, je sais pouvoir compter sur votre engagement à apporter les moyens financiers et humains nécessaires à la justice.

Dans l’attente d’une réponse de votre part, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’expression de mes meilleurs sentiments.

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