Nous devons préserver notre modèle de crédit immobilier aux particuliers, lequel n’a rien à voir avec les subprimes américains

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2012, le secteur du crédit immobilier a connu des moments difficiles dans notre pays. Cette crise a conduit à la mise en place d’un plan de résolution du Crédit immobilier de France, le CIF.

Depuis, vous le savez, le personnel du CIF a payé la facture de la résolution avec un millier de suppressions d’emplois. Les prêts gérés par le CIF ont été placés sous le contrôle des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété, les SACICAP, au sein d’une structure d’extinction.

Dans le plan de résolution, malgré le nombre très réduit de défauts de paiement par les emprunteurs, les SACICAP se sont trouvées face à l’absence de dividendes. Certaines d’entre elles ont même été dans l’incapacité de majorer de manière significative leurs fonds propres. Voilà la situation.

Le modèle économique du crédit immobilier en France risque d’être confronté aux évolutions du travail de sécurisation des activités financières engagé par le comité de Bâle. Les recommandations de ce comité, connues sous le nom d’accords de Bâle III, posent en effet la question du devenir de nos organismes de crédit immobilier.

Dans leur version actuelle, les recommandations du comité tendent à durcir les conditions d’attribution de prêts par un établissement à concurrence de la réalité et de la consistance de ses fonds propres.

Par malchance, nos SACICAP seront confrontées jusqu’en 2018 à l’absence ou à la quasi-absence de versements de dividendes par le Crédit immobilier de France, quand elles en sont les actionnaires de référence, dans l’exécution du plan de résolution. En conséquence, il n’est pas possible d’assurer par ces produits financiers essentiels une partie d’un résultat positif susceptible de nourrir ensuite les fonds propres de ces sociétés.

Sauf erreur de ma part, les normes de Bâle III n’ont pas été adoptées aux États-Unis – ce n’est pas un aspect secondaire du sujet. Fondamentalement, elles visent à accroître la part des fonds propres « durs » figurant dans le bilan des établissements de crédit. Dans ce cadre, le noyau dur, c’est-à-dire les fonds propres, doit représenter 4,5 % du total de bilan, auquel s’ajoute un « matelas de sécurité » de 2,5 % supplémentaires.

En outre, le comité de Bâle a fixé la limite des engagements de chaque établissement à trente-trois fois le montant de ses fonds propres.

Dans les faits, ce modèle de gestion bancaire tend à favoriser les établissements de crédit susceptibles ou capables de mettre en œuvre un « dégonflement » de leur bilan. Nous avons pu le constater la semaine dernière, avec les précisions apportées par les représentants du groupe Société générale quant à ses activités offshore.

Cette exigence de fonds propres et cette limitation de l’effet de levier, figurant à la base des recommandations de Bâle III, sont évidemment en forte contradiction avec le modèle de distribution de prêts des SACICAP. Ce système est largement fondé sur la proximité entre l’établissement et sa clientèle. À cet égard, il relève du « sur mesure », et la recherche de rentabilité s’y révèle somme toute relativement secondaire.

Pour augmenter ses fonds propres, comment procède aujourd’hui un établissement de crédit ?

Quand il a également une activité de dépôt, ce qui, précisons-le, n’est pas le cas des SACICAP, un tel établissement procède à une augmentation du prix de ses services bancaires en vue de financer largement ses coûts de structure. Il accroît la sélectivité de sa politique de prêts et finit ainsi par éviter toute sinistralité.

Dès lors, que peuvent faire les établissements de crédit immobilier de type SACICAP, lesquels ne sont pas des établissements de dépôt ? Accroître la sélectivité des prêts revient en quelque sorte à nier le fondement même de l’activité des sociétés coopératives.

Une autre solution consiste à accroître le rendement des prêts accordés, en les indexant sur l’inflation ou, plus généralement, en les rendant variables. Ce choix revient exactement à pratiquer des méthodes qui, pendant ces trente ou quarante dernières années, ont plongé bien des ménages de notre pays dans de véritables catastrophes, appelant des plans de redressement liés aux sinistres.

Aujourd’hui, la grande majorité des accédants préfèrent des prêts à taux d’intérêt fixes et à mensualités stables, pour ne pas se trouver confrontés aux situations auxquelles exposent les prêts variables.

À cet égard, nous comprenons très bien le sens de cette proposition de résolution.

Nous devons préserver notre modèle de crédit immobilier aux particuliers, lequel n’a rien à voir avec les subprimes américains qui ont provoqué la crise financière de 2008. En la matière, il importe que le Gouvernement fasse preuve d’une détermination plus nette que celle qu’il avait affichée lors du plan de sauvetage du Crédit immobilier de France.

Cet enjeu nous semble d’autant plus important qu’avec le regroupement définitif des composantes du logement social en un seul collecteur à vocation nationale, Action Logement, les accédants à la propriété risquent fort de voir leurs éventuels besoins de financement sacrifiés sur l’autel de la régulation budgétaire.

N’ayons pas peur des mots. Avec une participation des entreprises à l’effort de construction placée dans l’orbite directe du budget général et des établissements de crédit immobilier mis dans l’incapacité de travailler et de produire de nouveaux prêts, nous risquons fort de nous retrouver sans les outils nécessaires au financement de l’accession sociale à la propriété. C’est donc tout à fait naturellement que nous approuverons les termes de cette proposition de résolution.

Mes chers collègues, vous pouvez bien sûr compter sur la vigilance des élus du groupe communiste républicain et citoyen pour que la question posée aujourd’hui reçoive les réponses les plus adaptées : celles qu’attendent nos compatriotes !

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