Loi de Finances 2005 : Impôt de Solidarité sur la Fortune

par Thierry Foucaud

Quelle stupeur, quelle colère devant l’indécence et l’hypocrisie de cette remise en cause, pudiquement nommée aménagement d’un impôt relevant de la justice sociale !

Alors qu’en ce début d’hiver, des millions de nos concitoyens s’apprêtent à passer des moments difficiles, au point que le gouvernement doit concéder une prime de Noël, au reste bien insuffisante et nous demandons qu’elle soit augmentée de 300 euros, alors que 3 millions de personnes vivent avec 579 euros par mois, que plus de 3 millions de nos concitoyens sont au chômage et que plus de 10 millions subissent la précarité, le débat budgétaire de cette année, à l’initiative des plus libéraux, mais sous l’œil bienveillant de M. Sarkozy et de l’ensemble du gouvernement sur le grand malheur de 300 000 Français - sur plus de 60 millions - qui vont subir le joug de l’I.S.F. !

La lecture du débat à l’Assemblée nationale est édifiante : un véritable concert de lamentations, d’apitoiement sur les victimes d’une injustice sociale ! 350 personnes auraient même été bannies de notre territoire, sans l’initiative courageuse de M. Marini qui a consacré à ce sujet un article surprenant le 5 octobre, dont il reprend la logique dans son rapport : ces personnes qui font le choix de leur fortune contre celui de l’intérêt général, et qui confirment que l’argent n’a pas de patrie, sont présentées comme des victimes ! Quelle indécence à l’égard de ceux qui souffrent réellement, qui bouclent difficilement les fins de mois !

Peut-on accepter en effet que la majorité parlementaire, que le gouvernement, qui ne bouge pas sur les délocalisations, qui brade le service public, tente de placer au centre du débat fiscal la justice de l’I.S.F. ?

Je dénonce avec force ce tour de passe- passe idéologique, car c’est bien d’idéologie dont il s’agit : les préceptes des fondateurs du libéralisme qui sont repris au nom d’une modernité poussiéreuse. Après Adam Smith, qui affirmait que « l’homme économe est un bienfaiteur pour l’humanité », le ministre de l’Économie, désormais président de l’U.M.P., reprend la même antienne en déclarant, le 21 octobre devant les députés : « Tous les Français n’ont évidemment pas la chance d’avoir un patrimoine. Mais l’égalité des chances, c’est le fait que chacun de nos compatriotes, poussé par son travail, acquiert un patrimoine pour le léguer à ses enfants ».

Comme à son habitude, c’est à un détournement de sens que se livre M. Sarkozy : l’égalité des chances est mise au service de la préservation inégalitaire du capital. La droite, aiguillonnée par sa frange la plus libérale, n’a de cesse depuis 1982, date de la création de l’impôt sur les grandes fortunes, de vouloir supprimer cette participation, a minima, des plus riches à l’effort de solidarité. Plutôt que d’adopter comme en 1986 une mesure de suppression, elle préfère rogner discrètement. L’article 9 bis, qui réactualise le barème, s’inscrit dans cette stratégie tout comme les amendements de M. Marini, dont certains étaient annoncés par M. Sarkozy, dès le 21 octobre.

Nous voterons contre cet article 9 bis qui confirme le choix du gouvernement en faveur du capital.

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