Loi travail

Intervention sur l’’article 32 qui vise à ouvrir la possibilité pour des établissements d’enseignement secondaire privés et ne conventionnant pas avec l’État de bénéficier de la taxe d’apprentissage.
Cette mesure pose un certain nombre de problèmes.

Elle marque une nouvelle attaque contre le financement des établissements publics du secondaire en ce sens qu’elle diminuerait encore la part « hors quota » dont les collèges et les lycées peuvent bénéficier.

Cette attaque n’est pas la première, puisque la réforme de 2014 a déjà réduit les ressources des établissements publics en moyenne de 30 % d’après leurs gestionnaires, en raison de l’augmentation de la quote-part affectée aux CFA. De fait, ce sont les capacités pédagogiques des établissements qui ont été attaquées, ce qui a par ailleurs hypothéqué les chances de réussite des élèves inscrits. Ce constat est encore aggravé par le fait que les dotations de fonctionnement ont baissé, obligeant à des transferts de crédits.

Cet affaiblissement du public au détriment du privé non conventionné pose par ailleurs une question simple : l’apprentissage doit-il, oui ou non, avoir une mission d’éducation ? À la vue des moyens mobilisés pour développer l’apprentissage, en affaiblissant la formation professionnelle sous statut scolaire, il semble que le choix a malheureusement déjà été fait par les gouvernements successifs.

Mes chers collègues, il s’agit clairement de la mise en concurrence entre établissements publics et établissements privés, d’une part, et entre formations professionnelle et technologique et apprentissage, d’autre part. Réformes successives de la taxe d’apprentissage, multiplication des dispositifs fiscaux, on semble avoir oublié qu’apprentissage et formation technologique font tous les deux de l’alternance, mais que la seconde voie recueille un taux de réussite supérieur de neuf points au CAP et de vingt points au baccalauréat professionnel.


Intervention sur la question de l’apprentissage dès 14 ans :

Pour rappel, l’apprentissage junior dès quatorze ans a été créé en 2006 par la loi Égalité des chances, en réponse à la crise des banlieues. Cette mesure, en lien avec la loi Fillon de 2005, organisait le tri social des élèves dans les collèges.

Très critiqué au sein même des CFA, ce dispositif a été suspendu à la rentrée 2007 par Nicolas Sarkozy, devenu Président de la République.

Dix ans plus tard, vous faites de nouveau cette proposition, qui ne correspond à une demande ni des familles, ni des élèves, ni même des employeurs, conscients des difficultés à accueillir dans l’entreprise de si jeunes apprentis.

Elle ne correspond pas non plus à l’évolution même de l’apprentissage, qui stagne, voire régresse, pour ce qui concerne le premier niveau de formation et se renforce à l’égard du supérieur. Cette évolution nous semble quant à elle pertinente.

Pour nous, cette proposition traduit le vieux démon de la droite de vouloir pré-orienter et, par conséquent, sortir du système scolaire le plus tôt possible les collégiens qui rencontrent des difficultés, au mépris de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans.

La maîtrise des savoirs et des connaissances par tous les élèves doit rester l’objectif de notre système éducatif national. C’est au sein du système éducatif que les solutions doivent être trouvées, et non par le biais de dispositifs de préorientation qui, très souvent, sont une voie de relégation, à court comme à long terme, très pénalisante pour de nombreux jeunes.

Une question demeure en effet : outre une voie d’insertion, qui cache d’ailleurs des écarts importants, l’apprentissage est-il aussi un outil au service de l’élévation du niveau de qualification ?

Cette question me semble d’autant plus pertinente s’agissant d’élèves âgés de quatorze ans, ce alors même que les métiers d’aujourd’hui et, plus encore, ceux de demain requièrent une élévation des niveaux de qualification.

Intervention sur la question de l’enseignement à distance dans le cadre de l’apprentissage :
Le débat autour de l’enseignement à distance nous anime depuis longtemps. Cet enseignement constitue un vecteur de démocratisation pour les uns, un cache-misère des inégalités pour les autres. Comment sont appliqués aujourd’hui les MOOC, c’est-à-dire les formations en ligne ou enseignements à distance ? Bien souvent, malheureusement, ce genre d’enseignement vise seulement à maintenir chez eux des jeunes ayant des difficultés d’accès ou de déplacement tout en leur permettant d’avoir cours. Bref, c’est bien plus simple à mettre en place que de travailler à l’accès de tous aux bâtiments et enseignements ou de recruter des enseignants…

Dans le cadre de l’apprentissage, cette question se pose d’autant plus crûment pour plusieurs raisons.

Premièrement, afin d’élaborer son rapport, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a recueilli les témoignages d’employeurs et d’apprentis, notamment sur les raisons des ruptures des contrats d’apprentissage. Ce qui ressort, c’est le manque de qualité du travail effectué.

Deuxièmement, alors que le comité a établi que la rupture entre enseignement et apprentissage était une étape bien souvent difficile pour les apprentis, vous proposez que les cours prévus dans le cadre de l’apprentissage puissent avoir lieu à distance ! Vous aggravez donc ce que je n’hésite pas à appeler un traumatisme pour répondre aux baisses de ressources des établissements publics d’apprentissage provoquées par les réformes successives de la taxe d’apprentissage.

Troisièmement, la vision de la démocratisation des enseignements d’apprentissage que vous présentez méconnaît quelque peu les cas de fracture numérique, plus présents parmi les personnes fragiles économiquement et socialement.

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