Au même titre que le droit à l’éducation, il doit aussi y avoir un droit au logement

Nous abordons maintenant le titre II du projet de loi intitulé « Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat ».

D’abord, nous souhaitons dire que nous trouvons cet intitulé plutôt inopportun, alors que notre pays compte près de 3,8 millions de mal-logés. La situation est grave. Selon nous, se loger n’est pas une chance : cela doit d’abord être un droit constitutionnellement reconnu et garanti par la puissance publique. Au même titre que le droit à l’éducation, il doit aussi y avoir un droit au logement.

Sur le fond, le titre II, particulièrement son article 20, laisse à penser, par la fixation d’un quota chiffré défini dans la loi, dans la version du texte qui a été transmise à la commission spéciale, ou laissé à l’appréciation des collectivités, après nos travaux en commission, que ce serait par une autre répartition des couches populaires sur le territoire que le vivre ensemble pourrait être restauré et qu’il suffirait donc de mieux répartir les locataires les plus pauvres et de les rendre, en quelque sorte, un peu moins visibles pour gommer les problèmes des quartiers considérés.

Or ce qui fragilise certains territoires aujourd’hui, ce ne sont pas les habitants, c’est la situation qui est réservée à ces derniers. C’est le chômage, c’est le manque de transport, c’est l’habitat dégradé, c’est aussi, souvent, l’absence de services publics.

Au demeurant, pour loger le quartile le plus pauvre des demandeurs hors quartiers prioritaires de la politique de la ville – les QPV –, encore faudrait-il qu’un parc de logements, abordables de surcroît, existe en dehors de ces quartiers, ce qui n’est pas toujours le cas. La mise en œuvre des quotas risque donc clairement de se confronter à des impossibilités matérielles que la simple reprise des quotas d’attribution par le préfet ne permettra que difficilement de résoudre, sauf évidemment à obliger certains à quitter leur ville, parfois contre leur gré : des demandeurs de logement hors QPV risquent bien d’être exclus de leur commune, même s’ils ne réclament pas forcément d’habiter dans le même quartier qu’auparavant.

Par ailleurs, faire porter la responsabilité des difficultés des quartiers au logement social ou aux maires, suspectés de mener des politiques de peuplement inefficaces, est à nos yeux un contresens. Il me semble que, ce faisant, le Gouvernement se dédouane à bon compte de toute responsabilité, alors même que les dotations de l’État sont dramatiquement faibles et que les politiques d’austérité et la baisse des aides à la pierre alimentent depuis des années l’échec du modèle social.

Les dispositions du présent projet de loi ne créent d’obligations que pour les collectivités territoriales, déjà exsangues, et pour les bailleurs sociaux.

De ce point de vue, on peut s’interroger : que fait l’État ? Quelle est sa politique en matière de logement, notamment en matière de financement ? Quels crédits seront accordés dans le futur projet de loi de finances pour la construction ? Quelles sont les propositions pour ce qui concerne la régulation des loyers dans le parc privé, aujourd’hui limitée à Paris ? À quand la généralisation de cet encadrement des loyers à toutes les zones tendues ?

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Christian Favier. Tels sont les vrais enjeux et les véritables leviers d’une politique publique du logement, pour répondre au 1,8 million de demandeurs toujours insatisfaits.

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