Il revient aux citoyens de juger de l’opportunité d’une fusion

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui émane d’une volonté politique vieille de quarante-cinq ans.

En effet, voilà quarante-cinq ans, la loi Marcellin préconisait déjà la vieille recette du développement des regroupements de communes, regroupements qui, dans les faits, n’ont été opérés que de manière marginale par les élus locaux.

M. Bruno Sido. Exact !

Mme Cécile Cukierman. Je tiens à rappeler que, sur le principe, nous ne sommes pas opposés à l’ensemble des regroupements de communes. Cependant, nous considérons que c’est d’abord aux citoyens d’en décider, par voie référendaire ; c’est à eux qu’il revient de juger si les regroupements de communes sont propres à répondre à leurs préoccupations quotidiennes et aux besoins des territoires en matière de services publics.

Malheureusement, ce n’est pas la logique de cette proposition de loi. Ce n’était pas non plus celle de la loi du 16 mars 2015, qui assouplissait déjà les dispositions en vigueur en matière de fusions de communes.

Nous ne pouvons accepter que, par application de la règle majoritaire, des communes puissent se voir contraintes à la fusion, y compris, parfois, contre l’avis de leur population.

Nos collègues de l’Assemblée nationale ont relevé que, selon un sondage de l’IPSOS, trois Français sur quatre sont très attachés à leur commune, quelle que soit sa taille. Ce sondage montre bien que l’échelon communal est celui auquel les Français s’identifient encore le plus.

Nous pensons que les communes, cellules de base de la démocratie républicaine, doivent être renforcées. C’est pourquoi nous nous opposons au mouvement de fond dans lequel s’inscrit cette proposition de loi, à cette antienne selon laquelle la démocratie communale serait un coût, et non une richesse, pour notre République. Comment pouvons-nous continuer dans cette voie alors que tant de citoyens se sentent éloignés des lieux de pouvoir et que la nation est en proie à de telles divisions ? Nous pensons, pour notre part, qu’il faut changer de logique.

Au-delà du rappel des principes républicains, permettez-moi, mes chers collègues, de développer un argument plus conjoncturel. Cette année encore, on prévoit de baisser de 2,6 milliards d’euros la dotation globale de fonctionnement : ce sera un coup de massue supplémentaire asséné à des services publics déjà asphyxiés, pourtant indispensables à nos populations.

Dans ce contexte, l’avantage financier accordé aux communes nouvelles est un puissant facteur d’incitation aux regroupements. D’ailleurs, cet avantage n’est pas étranger au mouvement que nous observons actuellement dans de nombreux territoires.

Il convient de préciser que cet effet d’aubaine est provisoire, puisque la mesure ne vaut que pour deux ans. Surtout, il constitue un véritable piège, au sens où il contribue au renforcement de la diminution des dotations pour toutes les autres collectivités : l’enveloppe des dotations étant fixe, plus il y aura de communes nouvelles, plus la baisse des dotations sera forte pour les autres collectivités.

Nous ne pouvons donc pas accepter un mécanisme qui ne fera que renforcer les inégalités territoriales. Nous pensons au contraire que le contexte actuel invite encore davantage au développement et au financement des services publics de proximité. En tout état de cause, monsieur le ministre, c’est ainsi que nous devons repenser l’action publique !

Enfin, comme nous l’avions déjà souligné en première lecture, cette proposition de loi modifie le code électoral à seule fin de ne pas réduire le nombre des grands électeurs dans la perspective des prochaines élections sénatoriales. En effet, les fusions de communes faisant perdre le statut de collectivité territoriale à de nombreuses communes préexistantes, le nombre des grands électeurs devrait logiquement diminuer, ce qui bouleversera certains équilibres politiques.

Nous ne serons pas complices de cette manipulation électorale et maintenons notre position en faveur de l’égalité de traitement et de représentation : les communes doivent être représentées par un nombre de grands électeurs correspondant à la strate démographique à laquelle elles appartiennent.

Ainsi, eu égard à l’objectif initial de la proposition de loi, qui n’a été que renforcé à l’Assemblée nationale, le vote de notre groupe ne différera pas de celui que nous avions émis en première lecture. Au nom de la démocratie communale, pilier de la nation et de la République, au nom de la défense du maintien de services publics de qualité sur tout le territoire, nous voterons contre ce texte.

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