Nous ne partageons aucune des deux visions qui nous ont été proposées

Nous ne partageons aucune des deux visions qui nous ont été proposées - Égalité et citoyenneté (nouvelle lecture) (Bass_nroll - https://www.flickr.com/photos/bass_nroll/)

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous revenons en seconde lecture sur ce projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

Celui-ci a donné lieu à l’affrontement de deux visions de société, comme en témoignent l’échec de la commission mixte paritaire et le dépôt, par la commission spéciale du Sénat, d’une motion tendant à opposer la question préalable.

Force est de reconnaître que nous ne partageons aucune des deux visions qui nous ont été proposées. En effet, entre un projet dangereux porté par la droite au Sénat et un projet inefficace et insuffisant porté par le Gouvernement, nous pensons qu’il existe une autre voie.

La réécriture de ce projet de loi, ici au Sénat, avait été particulièrement rétrograde, témoignant d’une vision restrictive du vivre ensemble, d’une société du chacun pour soi incapable d’offrir à nos concitoyens de nouveaux droits.

Ainsi, la création d’un contrat dit « d’appoint » pour les jeunes nous avait-elle particulièrement choqués. Non, les jeunes de notre pays ne doivent pas être considérés simplement comme une main-d’œuvre à bas coût pour les entreprises, alors que même que ces dernières bénéficient de toujours plus de largesses fiscales, sans résultat tangible, d’ailleurs, en termes d’emploi.

Le « détricotage » de la loi SRU par la Haute Assemblée avait également laissé présager du pire. Alors que le mal-logement affecte près de 4 millions de nos concitoyens, lever les obligations de construction nous apparaissait particulièrement irresponsable politiquement et moralement.

Laisser des familles sans toit ou logées dans des conditions indignes, c’est les laisser dans des situations pouvant entraîner nombre d’entre nos concitoyens dans une spirale du déclin, avec, par exemple, l’aggravation de problèmes de santé ou de scolarité pour les enfants. Comment ne pas maintenir des exigences fortes sur les communes récalcitrantes, lorsque l’on sait que, si toutes communes respectaient la loi SRU, quelque 750 000 logements sortiraient de terre à l’horizon de 2025 ?

Soyons clairs : si la droite au Sénat souhaitait lever toute obligation en matière de constructions, le projet de loi sorti de l’Assemblée nationale porte également atteinte à la loi SRU, en laissant à certaines communes trop de souplesse dans son application. Les obligations liées à la loi SRU doivent, à nos yeux, être sanctuarisées et les sanctions renforcées lorsque l’absence de construction relève d’un choix délibéré.

En outre, de nouveaux droits doivent, selon nous, être octroyés en matière de logement. Ainsi, les expulsions sans relogement, qui constituent une pratique barbare, doivent enfin cesser. Il faut également en finir avec les surloyers et les politiques d’exclusion du parc social des catégories moyennes. Le logement public doit être le creuset de l’égalité républicaine et le plus grand nombre doit pouvoir y prétendre. L’aide personnalisée au logement, l’APL, doit être préservée, pour aider les plus modestes.

Pour autant, nous ne sous-estimons pas les difficultés, alors même que les baisses de dotations, conjuguées à la faiblesse des aides à la pierre, rendent l’acte de construction aujourd’hui difficile.

L’Assemblée nationale a rétabli son texte. Nous en prenons acte et c’est bien sûr préférable. Néanmoins, quelle sera l’efficacité concrète de ces mesures ? En quoi ce projet de loi répond-il à l’exigence, posée en janvier 2015 par le Premier ministre, de lutter contre l’apartheid social et territorial, de redonner du sens et produire de l’adhésion à notre modèle républicain ? Nous sommes très interrogatifs, alors que les récents chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, montrent cette année une nouvelle hausse de la pauvreté et des inégalités.

Ce projet de loi met en évidence les espoirs déçus de ce quinquennat et, je dirais même ses renoncements. Alors que le président Hollande avait annoncé et porté durant sa campagne le droit de vote aux élections locales pour les personnes étrangères, cet engagement a été sans cesse repoussé. Où est l’égalité ? Où est la citoyenneté ? Le seul acte posé concernant les étrangers durant ce mandat a été la tentative d’imposer la déchéance de nationalité, soit un acte de défiance et d’exclusion !

Nous croyons pour notre part en une République accueillante, fière de ses richesses et de ses cultures, plutôt qu’en une société repliée sur elle-même.

Alors que, en matière de lutte contre les discriminations, nous portons l’exigence de lutter contre les contrôles au faciès, rien n’a bougé en ce sens, et ce malgré la récente condamnation de l’État par la cour de cassation. Quelles perspectives et quel avenir en commun ouvrons-nous avec ce projet de loi ? Pas grand-chose, puisque la question essentielle n’a toujours pas été abordée !

La citoyenneté, c’est ce qui rassemble, ce qui « fait communauté » ; c’est donc ce qui relève de l’intérêt général et, à ce titre, doit être garanti pour tous : les services publics et les droits reconnus comme le ciment d’un imaginaire collectif, percevant la République comme la possibilité d’un progrès partagé, par et pour tous. Du fait de cette absence, ce projet de loi manque toujours autant de structure et d’ampleur. Il ne donne pas à voir une ambition transformatrice.

Certes, et nous nous en réjouissons, des mesures positives ont été rétablies à l’Assemblée nationale, notamment concernant les droits des gens du voyage, la possibilité de mener une action de groupe pour les locataires, la lutte contre l’habitat indigne, le droit d’accès pour tous à la cantine, etc. Pour autant ces mesures, par leur disparité, ne donnent pas à voir une vision nationale cohérente.

Mes chers collègues, comment articuler l’intitulé d’un texte autour des notions d’égalité et de citoyenneté, quand les politiques menées au quotidien contredisent tous les jours cette exigence ?

Les politiques d’austérité, de réduction des services publics, de baisse des dotations aux collectivités, de réduction du nombre de fonctionnaires et d’assèchement des crédits dans le cadre de la loi de finances sont autant d’armes contre le vivre ensemble et la citoyenneté, autant de mesures risquant de favoriser la montée de l’extrême droite et du populisme.

Pour donner sens à la notion de citoyenneté, c’est d’un tout autre projet dont nous avons besoin : une politique respectueuse des élus locaux, donc du choix démocratique ; une politique qui ne s’impose pas à coup de 49-3 ; une politique respectueuse des populations dans leur diversité, capable de promouvoir de nouveaux droits, de nouveaux modes d’intervention, une représentation du peuple par le peuple ; une politique qui rompt avec le dogme de la réduction de l’intervention publique.

L’argent public doit financer les besoins des populations, notamment en matière de logement. Nous ne combattrons le mal-logement que par une politique volontariste de constructions. Il faut donc augmenter les aides à la pierre et supprimer les niches fiscales.

Nous voulons, au fond, remettre les besoins humains au cœur de la politique et de la République – tel est le sens des propositions formulées par notre groupe. Seule cette démarche nous permettra de refonder les bases d’une citoyenneté moderne, généreuse et ouverte sur le monde.

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