La péréquation doit retrouver sa verticalité

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte dont nous discutons aujourd’hui a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 2 février dernier, ce qui témoigne d’une remarquable célérité dans le traitement de ce dossier.

M. Michel Berson. Eh oui ! Quand on veut, on peut !

M. Bernard Vera. Il n’aura donc fallu que deux semaines pour boucler l’examen de cette proposition de loi, permettre l’étude indispensable de la mesure proposée et de sa portée et faciliter le travail des rapporteurs respectifs des deux assemblées, celui du Sénat préconisant même l’adoption conforme du texte voté au Palais-Bourbon.

D’autres propositions de loi attendent toujours dans la navette parlementaire et n’ont pas encore trouvé le chemin de l’ordre du jour. Celle que nous examinons ce matin a un rapport évident avec la politique de la ville et la situation des banlieues, dont l’actualité récente nous rappelle le caractère d’urgence récurrente ; dès lors, comment ne pas regretter, une fois encore, qu’une certaine proposition de loi, relative au droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, n’ait jamais été inscrite à l’ordre du jour du Palais-Bourbon, alors qu’elle avait été adoptée par le Sénat en 2011 ?

Cela posé, venons-en au texte du jour.

La grande aventure des villes nouvelles, ce projet d’aménagement du territoire de la fin des Trente Glorieuses, voulu et pensé par le pouvoir au tournant des années 70, porté financièrement par la Caisse des dépôts et consignations, s’est achevée il y a quelques années par la dissolution des syndicats d’agglomération nouvelle mis en place, sur chaque territoire, pour définir les outils de la croissance et du développement.

Là où se trouvaient, le plus souvent, des noyaux urbains anciens, isolés au sein d’ensembles ruraux plus consistants, nous avons assisté à l’émergence de nouvelles villes, d’infrastructures collectives, de services, de routes, de voies ferrées et de ponts, de gares, d’équipements publics, de programmes de logements collectifs, et de zones d’activités économiques.

De petits villages groupés autour de leur église sont ainsi devenus de véritables villes, comme ce fut le cas pour Cergy, passant de 2 500 habitants à plus de 60 000 aujourd’hui.

Dans le département du Val-d’Oise, depuis 1975, sur dix nouveaux habitants, près de quatre sont venus résider dans l’une des communes de la ville nouvelle.

En Essonne se sont développées deux villes nouvelles, l’une autour de la ville devenue préfecture et qui s’appelait Évry-Petit-Bourg, l’autre entre Corbeil et Melun, dans le périmètre de la ville nouvelle de Melun-Sénart.

Aujourd’hui, l’ensemble des quatre communes du SAN d’Évry, dissous il y a une quinzaine d’années, dépasse 80 000 habitants ; c’est l’un des pôles d’un ensemble important de plus de 330 000 habitants constitué par la nouvelle communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart.

La dissolution des syndicats a en effet entraîné une recomposition des territoires.

En Essonne, ce qui fut Évry s’est regroupé avec Corbeil, et a fini par se joindre à Melun-Sénart, par-delà les limites départementales, ce qui fait de notre nouvelle communauté d’agglomération un ensemble tripolaire autour d’Évry, de Corbeil et, dans une moindre mesure, de Savigny-le-Temple. Ajoutons à cet ensemble les villes essonniennes de Grigny et de Ris-Orangis, qui sont confrontées aux problématiques des politiques urbaines, et nous obtenons la raison profonde qui provoque l’examen du texte qui nous occupe.

Le monde, autour de ces territoires, n’est lui-même pas immobile. Pendant que les villes nouvelles s’achèvent et se découvrent de nouveaux problèmes, le paysage des finances locales évolue.

Depuis 1975, la taxe professionnelle a successivement été créée, plafonnée, réformée, avant de disparaître, remplacée par une contribution économique territoriale dont l’un des éléments, la cotisation foncière des entreprises, alimente les budgets des communes et des intercommunalités.

Évidemment, le développement économique des villes nouvelles a fait de ces territoires des contributeurs nets potentiels du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.

La réforme de la carte intercommunale par le biais des lois MAPTAM et NOTRe a rendu la facture, aujourd’hui, particulièrement salée. Lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale a été pointé le montant des contributions exigibles, le versement au FPIC passant, pour Saint-Quentin-en-Yvelines par exemple, de 3 millions à 15 millions d’euros, Grand Paris Sud et Cergy-Pontoise contribuant respectivement à hauteur de 6 millions d’euros et de 4,5 millions d’euros supplémentaires.

En effet, la charge de la péréquation dite horizontale, entre EPCI à fiscalité propre, alors que le nombre des EPCI diminue, revient en définitive de plus en plus cher.

Nous pourrions donc nous poser la question suivante : pourquoi faire un cas d’espèce de la situation des communes issues des anciens SAN, quand d’autres villes ont sans doute d’aussi bonnes raisons de mettre en cause leur contribution au FPIC, puisqu’elles se trouvent dans des situations équivalant à celles des premières citées ?

Je pense notamment à certaines villes à caractère industriel ancien et à population modeste, qui sont, dans les faits, pénalisées d’avoir su conserver leurs activités économiques et leur caractère populaire, y compris aux portes de la capitale.

La question de fond posée par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est bel et bien celle du devenir de la péréquation, ce principe introduit dans notre Constitution, et celle du sens que la loi doit lui donner.

Mes chers collègues, lorsqu’un fonds de 1 milliard d’euros, soit 2 % environ des recettes fiscales des collectivités locales, commence à poser problème en raison de sa conception « horizontale », il importe de se demander si la péréquation ne doit pas retrouver le sens de la verticalité et bénéficier d’une ressource dédiée, définie au niveau national.

Au-delà du débat d’aujourd’hui, c’est bien de cela qu’il s’agit : de la justice fiscale et financière, au service du strict intérêt des populations, seule véritable motivation de toute péréquation.

Notre groupe est très réservé sur l’équité d’une telle mesure au regard de la situation d’autres communes qui connaissent des difficultés équivalentes, et souhaite en outre manifester sa volonté qu’une péréquation verticale se substitue à une péréquation horizontale ; il s’abstiendra donc sur ce texte.

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