La concentration des pouvoirs et le recul du contrôle citoyen favoriseront l’affairisme

La concentration des pouvoirs et le recul du contrôle citoyen favoriseront l'affairisme - Règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la Corse (conclusions de la CMP)

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, nous sommes appelés à nous prononcer, en nouvelle lecture, sur le projet de loi portant ratification de trois ordonnances qui précisent les conditions de mise en place d’une collectivité territoriale unique en Corse.

Je serai bref, ayant eu l’occasion d’exprimer les raisons de notre rejet de ce texte le 26 janvier dernier.

Par son insularité, par son histoire, la Corse dispose de spécificités, qu’il nous faut évidemment prendre en compte.

Loin des images caricaturales que certains distillent, cette région est très loin d’être favorisée. Le revenu par habitant y est le plus faible du pays, et un Corse sur cinq vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

La question du coût de la vie est caractéristique des inégalités qui minent la Corse. Alors que l’on continue à consentir toujours plus de dérogations au grand patronat, avec, par exemple, 194 millions d’euros de réfaction de TVA accordée aux leaders de la distribution sur l’île, les produits alimentaires y sont 9 % plus chers que sur le continent.

La Corse a subi, au cours des dernières décennies, un sous-investissement chronique. Le sous-investissement global a conduit à la situation actuelle de quasi-monopole du tourisme, entraînant une précarisation des emplois – les saisonniers sont rémunérés 15 % de moins que la moyenne.

Le sous-investissement économique, au lieu de développer la filière maritime, a conduit l’État à liquider progressivement la SNCM, fleuron de l’économie corse.

Le sous-investissement est aussi énergétique, avec 87 % de la consommation totale d’énergie issue d’approvisionnements extérieurs et un tiers de l’électricité dépendant des importations italiennes.

Enfin, et c’est plus grave, le sous-investissement est numérique : seuls 23 % des foyers ont aujourd’hui accès à l’internet à très haut débit en Corse, contre 50 % dans le reste de l’Hexagone.

Pourtant, mes chers collègues, en trente ans, la Corse aura connu quatre modifications institutionnelles. Mais jamais les vraies questions, les questions de justice sociale, les questions de développement économique, n’auront été au cœur des réformes. En fait, on constate, chaque fois, que les inégalités ne cessent de se creuser. Il est donc particulièrement regrettable qu’elles ne soient toujours pas prises en compte – bien au contraire !

Avec la disparition de l’échelon départemental, dont on connaît le rôle primordial en matière de solidarité sociale, le risque est grand de voir les écarts de richesses se creuser un peu plus encore et les personnes âgées, les personnes handicapées, les enfants en danger toujours plus fragilisés.

L’effacement des structures de proximité que cette réforme opère, au profit d’une concentration des pouvoirs entre les mains de quelques élus, est évidemment très préoccupant. En tout cas, ce n’est pas le signe d’une bonne santé démocratique ! Le danger d’un développement de l’affairisme, déjà malheureusement bien présent sur l’île, sera renforcé par ce recul du contrôle citoyen sur les élus.

Nous n’acceptons pas ce glissement vers le modèle de l’Europe des régions, au détriment des nations. Cette mise en concurrence des territoires et des populations, poussée, on le sait, par les tenants de l’Europe fédérale, affaiblira la Corse et appauvrira ses habitants, qui, comme l’ont été les Grecs, seront dévorés par les directives bruxelloises.

En fait, seuls les affairistes, les sgio, oligarques confisquant les richesses de ceux qui, en Corse, travaillent dur, peuvent se réjouir d’un tel changement.

Et ce n’est pas sans surprise que nous avons vu certains élus, jusque-là attachés au maintien de la Corse dans la République, céder aux sirènes des indépendantistes et des discours populistes.

Enfin, je veux rappeler qu’un changement aussi profond de l’organisation territoriale de la Corse ne peut pas se décider dans le dos de la population. Une ratification par référendum après la tenue d’un grand débat public s’impose. En refusant obstinément cette consultation, monsieur le ministre, vous exprimez une marque de défiance à l’égard des Corses, qui ne seraient pas jugés capables de donner leur avis sur leur avenir.

Pour notre part, nous faisons pleinement confiance aux habitants et aux travailleurs de l’île et à leur capacité d’analyse.

Ce dont ont besoin les Corses, c’est bien d’un renforcement de la solidarité républicaine, d’un nouveau plan de développement, alliant à la fois modernité, progrès social et réussites économiques, et non d’une énième réforme des institutions.

Monsieur le ministre, il faut avoir le courage de la transparence ! Ce n’est pas en catimini, dans un hémicycle quasi désert, en fin de session parlementaire, qu’une telle décision peut être prise. Ouvrons largement le débat avec la population. Sortons des petits arrangements entre amis, sans avoir peur de la démocratie !

Pour l’heure, le groupe communiste confirmera son rejet de ces trois ordonnances.

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