Nos compatriotes attendent de leurs élus locaux des choix en faveur des équipements publics, de l’action sociale et de la solidarité

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qui ne peut partager le souci de sincérité et de transparence des comptes publics, en l’espèce des collectivités locales ? Ce sujet anime et structure la proposition de loi déposée par Vincent Delahaye, dont j’ai cru comprendre qu’elle ne constituerait que la première étape d’une réflexion en marche, étant donné le dépôt d’une motion de renvoi à la commission, que nous voterons.

Je suis convaincu, et même à peu près certain, que la très grande majorité des élus locaux, comme des fonctionnaires qui les assistent, est parfaitement respectueuse des règles comptables en vigueur pour ce qui est de la gestion locale. Par conséquent, les errements constatés ne concernent que quelques situations bien connues.

Je dois d’ailleurs souligner que, dans certains dossiers où des noms ont été en quelque sorte jetés en pâture à la vindicte populaire, les choses n’ont pas toujours été simples. Il ne suffit pas d’incriminer dans tous les cas les élus locaux, et eux seuls, ceux-ci ne déployant pas ou n’ayant pas déployé leur action dans un vase clos, sans interaction avec l’extérieur.

Je pense, par exemple, aux collectivités locales victimes des emprunts structurés et de la montée en charge d’une dette libellée ou, à tout le moins, ajustée sur une devise étrangère s’étant quelque peu appréciée.

Nous concevons fort bien le sens de l’article 1er, qui tend à placer obligatoirement certaines collectivités, à compter d’un certain seuil de ressources, sous le contrôle attentif des chambres régionales des comptes, singulièrement en vue d’éviter la regrettable pratique de la cavalerie budgétaire.

De même, nous pouvons concevoir de modifier les règles, voire le quantum des peines, si l’on peut dire, dès lors que la responsabilité des élus et des principaux fonctionnaires et cadres territoriaux les ayant assistés se trouve engagée quant à la situation de la collectivité ou de l’établissement public en difficulté.

Nous sommes, en revanche, nettement plus circonspects, pour ne pas dire plus, devant le contenu de l’article 2, qui propose la mise en place, à terme, d’un dispositif d’assurance anti-sanction pécuniaire pour les élus locaux.

On ne peut décemment, nous semble-t-il, appeler à la transparence et à l’éthique et imaginer dans le même temps un système qui, moyennant liquidation des primes versées par précaution, vous abriterait des foudres de la justice.

L’élu « délinquant », si l’on peut dire, serait épargné au seul motif d’avoir été prévoyant !

Les errements qu’a pu connaître la gestion locale, notamment à Mennecy, dans le département de l’Essonne, dans les années 1990, à Yerres, dans les années 1980, à Bussy-Saint-Georges, apparemment également à Corbeil-Essonnes, sont parfaitement répréhensibles et ont été poursuivis comme tels. Il n’en demeure pas moins que tout cela pose aussi, et de nouveau, la question de la gestion locale, des marges de manœuvre dont disposent les élus pour mener des politiques originales, et des moyens dont l’État dispose pour conseiller comme pour vérifier la qualité de la décision locale.

Nous ne devons surtout jamais oublier, en dernière instance, que les habitants demeurent juges et parties. Par leurs impôts, la facturation des services rendus à la population, leur contribution directe et indirecte, ils financent les actions et les orientations politiques appliquées de leurs élus. En outre, ils subissent le plus souvent les conséquences des errements constatés, des négligences éventuelles des autorités préfectorales devant les agissements ou fautes de gestion de telle ou telle équipe, notamment parce que les plans d’apurement et de redressement comprennent toujours un volet fiscal.

Songeons, pour donner quelques exemples, au cas des habitants d’Yerres, victimes des errements financiers d’un maire se piquant pourtant, au milieu des années 1980, d’être expert en finances locales. Ils ont choisi, en 1989, une autre équipe municipale qui ne put, sur un mandat, réparer les désastres du passé. En 1995, un jeune maire fut élu à Yerres et mit en œuvre un plan particulièrement sévère de redressement financier, qui fut confirmé, en quelque sorte, en 2001 …

Reconnaissons que les cures de redressement des comptes sont sévères et largement payées par la hausse des impôts locaux.

Comment ne pas citer le cas de Saint-Cast-le-Guildo, cette petite ville balnéaire des Côtes-d’Armor où une équipe municipale, de sensibilité de gauche, mal conseillée, eut recours à un emprunt structuré conduisant à l’aggravation de l’endettement de la commune, avant qu’une alternance politique ne s’épuise à tenter de redresser la situation ? La responsabilité des élus n’a pas été formellement engagée, loin de là, dans cette affaire, mais la situation est telle que les électeurs ont, de nouveau, fait jouer l’alternance en 2014.

À ce stade de la discussion, vous me permettrez, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de relever un élément important.

Les dépenses des collectivités locales tendent, dans les faits, à devenir de plus en plus obligatoires, et la réduction des recettes fiscales directes, comme des dotations de l’État, limite d’autant ce qui reste pour donner un cachet d’originalité à la gestion locale.

Je suis convaincu que nos compatriotes attendent autre chose de leurs élus locaux que de se contenter de mener, en tout point du territoire, la même politique, en se préoccupant simplement de nettoyer les voies publiques, de les réparer et de les entretenir au besoin. Ils souhaitent, de manière légitime, que la politique menée dans leur ville ait un sens, une « couleur », qu’elle traduise des choix politiques originaux et clairs.

Le moins que l’on puisse dire est que cela dépasse quelque peu la seule problématique soulevée par la présente proposition de loi.

Au-delà de la transparence et de la sincérité souhaitées par les auteurs de ce texte, il ne nous semble pas légitime de pouvoir mettre en cause l’opportunité de telle ou telle dépense. Le respect des règles comptables est nécessaire, mais il n’est la condition suffisante ni d’une saine gestion ni d’une gestion répondant aux besoins et aux attentes des populations.

Le respect des règles comptables ne saurait, en dernière instance, être le seul mobile de la décision locale.

Le renforcement des effectifs et de la qualité des agents de l’administration préfectorale est l’une des conditions de la résolution du problème. Avec des agents plus nombreux et mieux formés, cette administration sera mieux à même d’accomplir les missions qui lui sont confiées, notamment celle d’éclairer les élus locaux sur la pertinence de certains de leurs choix.

De même, les services du Trésor disposent-ils des moyens matériels et humains pour faire face à la charge de gestion des comptes des collectivités locales de leur ressort ? C’est dans la qualité du dialogue entre les élus de la collectivité et les agents du Trésor public que réside une partie de la solution.

Entre les lignes, cette proposition de loi indique également qu’il est grand temps que la politique locale, comme la politique en général, reprenne quelque allure et que la démocratie participative, l’implication des citoyens et des citoyennes soient la base et la raison d’être de l’action locale.

Quand les choix sont partagés, tout est plus clair !

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