La commune doit rester compétente en matière d’eau et d’assainissement

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les collectivités ont besoin de stabilité pour mettre en œuvre les politiques publiques dont elles ont la charge. Nous partageons ainsi la volonté affichée par les auteurs de cette proposition de loi de ne pas les contraindre inutilement en rendant obligatoires des transferts de compétences, en l’occurrence les compétences « eau » et « assainissement ».

Cette proposition de loi est donc intéressante eu égard à la souplesse qu’elle vise à redonner aux communes dans le cadre de la construction intercommunale.

M. Daniel Laurent. Exact !

M. Jean Bizet. Très bien !

M. Bernard Vera. Pour autant, il faut souligner son caractère d’affichage. Il est ainsi aujourd’hui de bon ton, pour le groupe Les Républicains, de se poser comme le défenseur des libertés locales.

Certes, lors de l’examen de la loi NOTRe, le Sénat a fait bloc, toutes tendances politiques confondues, pour refuser le transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement ».

Pour autant, il faut tout de même rappeler que la logique de dévitalisation des communes et de leur asphyxie financière a été amorcée en 2010, lorsque l’actuel candidat à l’élection présidentielle François Fillon était Premier ministre.

En effet, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a ouvert la voie au big bang territorial que nous connaissons aujourd’hui. Il s’agissait, à l’époque, de prévoir le rattachement à une intercommunalité des dernières communes isolées, la suppression des syndicats intercommunaux prétendument obsolètes et la rationalisation du périmètre des EPCI.

Pour ce faire, des pouvoirs importants étaient donnés aux préfets, au rebours de l’esprit même de la décentralisation.

Ensuite, alors que ce quinquennat devait marquer une rupture, les lois MAPTAM et NOTRe sont venues amplifier ce mouvement de dévitalisation de l’échelon communal, en vue de parvenir à l’effacement et à la disparition des communes.

Notre groupe est le seul groupe parlementaire à avoir conservé une position cohérente de défense des communes comme lieux vivants de la démocratie, en se prononçant pour des EPCI librement choisis, fondés sur des projets communs et partagés.

Ainsi, alors que, pour notre part, nous avons combattu toutes ces lois, le groupe Les Républicains a voté la loi MAPTAM, la loi NOTRe et, bien entendu, la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui visaient clairement la réduction de la dépense publique et le transfert des services publics au secteur privé. (M. Bruno Sido s’exclame.)

Le programme de François Fillon témoigne de cette logique libérale, puisqu’il promet une baisse de la dépense publique de l’ordre de 100 milliards d’euros, dont la moitié serait supportée par l’État et les collectivités territoriales.

M. Bruno Sido. En cinq ans !

M. Bernard Vera. Par ailleurs, la proposition de loi prévoit un champ d’application bien réduit. Elle ne concerne que les communautés de communes, ignorant les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles. Elle ne s’adresse ainsi qu’aux territoires ruraux, alors que la problématique est identique en milieu urbain.

Le positionnement adopté aujourd’hui par le groupe Les Républicains indique clairement que nous sommes entrés en campagne pour les élections sénatoriales. Redonner du pouvoir aux collectivités locales exige en premier lieu de leur donner les moyens d’assumer leurs compétences dans de bonnes conditions. Or la baisse généralisée des dotations a rendu la tâche particulièrement ardue pour les communes. Pour notre part, nous proposons de mettre fin à cette asphyxie financière.

Sur le fond, nous partageons la volonté affichée par les auteurs de cette proposition de loi. La commune doit rester compétente en matière d’eau et d’assainissement, charge à elle de déléguer cette compétence si elle le souhaite, par une démarche librement consentie.

Nous voyons en outre dans la marche forcée vers des intercommunalités de taille géante, absorbant l’ensemble des compétences communales, une démarche antidémocratique et contre-productive, puisqu’elle éloigne les lieux de pouvoir de nos concitoyens. Or le contrôle de la qualité du service public de l’eau et de l’assainissement doit pouvoir être exercé par nos concitoyens, au plus proche des réalités.

Nous voyons également dans ce transfert obligatoire un manque d’efficacité évident. Il faut laisser aux communes la souplesse de pouvoir s’associer librement au niveau du bassin hydrique, sans multiplier les transferts de compétences en cascade, qui, de plus, rendent totalement illisible l’action publique.

Par ailleurs, nous craignons que ces regroupements engagent un accroissement des délégations de service public, alors même que nous observons un important mouvement en faveur d’un retour à une maîtrise publique des services de l’eau et de l’assainissement.

Les régies publiques disposent d’un incontestable savoir-faire dans la défense de l’intérêt public et pour garantir aux usagers des prix accessibles pour tous, la plupart d’entre elles appliquant une tarification graduée.

Tout bouleversement institutionnel autoritaire aiguisera les velléités du secteur privé de reprendre des marchés, avec les risques d’augmentation du prix de l’eau que cela induirait. Il ne s’agit pas d’un enjeu mineur, car le budget cumulé des syndicats de l’eau atteindrait près de 18 milliards d’euros.

Ces transferts de compétences obligatoires rebattent donc les cartes au détriment de l’intérêt public et des usagers.

Pour notre part, nous considérons qu’il convient de faire confiance aux élus locaux pour atteindre une plus grande efficacité dans la mise en œuvre des politiques publiques dont ils ont la charge.

Les communes doivent conserver leur liberté d’appréciation en matière de transferts de leurs compétences et de regroupements, ceux-ci devant être fondés sur des projets partagés. Notre groupe votera cette proposition de loi.

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