Le pantouflage, inadmissible mélange des genres entre sphères privées et publiques

Ce projet de loi, centré essentiellement sur la déontologie des parlementaires et, à la marge, des membres du Gouvernement et des exécutifs locaux, présente une lacune évidente : aucune mesure ne concerne la haute fonction publique.

Pourtant, un phénomène ne cesse d’être constaté en son sein : le « pantouflage », qui pose de sérieux problèmes éthiques et déontologiques liés au mélange des sphères privées et publiques, et des sphères de l’intérêt général et des intérêts particuliers ou de grandes entreprises.

Le pantouflage est évidemment source de situations de conflits d’intérêts. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que le non-respect de l’engagement à servir l’État pour une durée minimum de dix ans soit assorti de la radiation de la qualité de fonctionnaire, ainsi que du remboursement d’une partie des frais de scolarité.

Comme le révèle le rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2013, un élève de l’École nationale d’administration, l’ENA coûte en moyenne 168 000 euros à l’État.

Par cet amendement, nous souhaitons accompagner la prise de conscience de l’État, qui a rétabli en mai 2015, par le décret du 20 mai 2015 relatif au remboursement des frais d’entretien et d’études par certains élèves de l’École polytechnique, la fameuse « pantoufle » de l’École polytechnique, supprimée en 2000.

Pour moraliser l’action publique, il convient parfois, hélas ! de mettre en œuvre des dispositions très pragmatiques. Certains hauts fonctionnaires attirés par l’appât du gain réfléchiraient davantage avec une telle disposition pécuniaire en travers de leur chemin.

Je me souviens qu’autrefois, lorsqu’on se présentait au concours de l’école normale d’instituteurs, on signait un engagement avant même de le passer ! (M. Joël Labbé applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a émis un avis de sagesse sur le rapport évoqué tout à l’heure par M. Pierre-Yves Collombat, qui nous a dit très justement qu’on ne sait pas dans quelle mesure la pantoufle est remboursée.
Pourquoi donc ne pas attendre sagement le rapport dont nous venons d’adopter le principe, avant de prendre de telles dispositions ?

J’observe d’ailleurs que celles-ci présentent un caractère discriminatoire. Il existe en effet de nombreuses écoles pour accéder à la fonction publique : l’École nationale des impôts, l’École nationale du Trésor public, l’École nationale des greffes. De nombreux fonctionnaires, qui ne sont ni polytechniciens ni anciens élèves de l’École nationale d’administration, font une partie de leur vie professionnelle ailleurs que dans l’administration. Pourquoi devrions-nous adopter un amendement qui réserverait les sanctions à une catégorie seulement de fonctionnaires, laquelle n’est sans doute pas moins honorable que les autres, y compris, d’ailleurs, celle des professeurs des écoles ?

Pour ces deux motifs, attendons le rapport demandé par M. Collombat et prenons le temps de rédiger un amendement non discriminatoire, si nous le jugeons opportun.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

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