Il faut réduire la dépense publique, la chose est acquise et c’est là, soi-disant, la seule solution !

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il faut, sans tarder, sans faiblir, réduire la dépense publique !

Il faut, sans hésiter et avec le courage nécessaire, réduire la dépense publique !

Cependant, évoquons les 87 000 bacheliers – je me permets de les féliciter ici d’avoir si brillamment conclu leur scolarité secondaire – qui se retrouvent dans la nature par la faute d’une autonomie des universités devenue machine à exclure.

Ou bien parlons des enfants, qui ne verront jamais en classe d’école communale l’un des 6 000 enseignants n’ayant pas été nommés depuis cinq ans !

Ou citons encore les usagers des transports parisiens, qui sont confrontés chaque jour aux pannes du matériel roulant, à l’usure du réseau ou aux défaillances de la signalisation…

Mais, allons bon, il faut réduire la dépense publique, la chose est acquise et c’est là, soi-disant, la seule solution !

Malgré une baisse de la dépense locale en 2016, les collectivités territoriales vont devoir prendre à leur charge, outre la disparition programmée de 80 % de la taxe d’habitation, 13 milliards d’euros de baisse de la dépense publique. Il faut y ajouter la baisse de 10 milliards d’euros de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. Cela ne pourrait pas être pire pour les collectivités, et pourtant un ministre, répondant à une question d’actualité aujourd’hui même au Sénat, évoquait la nécessité de diminuer encore les dépenses de fonctionnement ! 

Les dépenses de fonctionnement, ce sont certes le gaz, l’électricité et l’essence. Mais la part la plus importante, de l’ordre de 50 à 60 %, est surtout constituée de la masse salariale des salariés des collectivités. Rappelons que les effectifs de la fonction publique s’élèvent à plus de 5 millions. C’est donc un appel à la réduction des effectifs, mais il conduirait à une augmentation du chômage dans notre pays et à une baisse des services publics assurés aux populations. 

La mesure est claire et lisible, et le choix laissé aux élus locaux ne résidera que dans la peine qu’ils auront décidé, en conscience, de s’appliquer à eux-mêmes, avec ces 13 milliards d’euros…

Quelle formidable avancée par rapport au quinquennat qui vient de s’achever sur un déficit de 3,2 % du PIB, dépassant ainsi de 4 milliards d’euros – somme considérable ! – les engagements que nous avions souscrits auprès des instances européennes, soit environ 17 heures et demie de production nationale ou à peu près 35 heures de rendement des prélèvements fiscaux et sociaux !

L’insincérité invoquée des comptes publics me fait d’ailleurs penser au collectif budgétaire pour 2012. Il était indiqué dans l’exposé des motifs qu’il était « nécessaire de procéder à une rectification des prévisions de recettes, d’une part, en raison de la révision à la baisse de la prévision de croissance et, d’autre part, afin de corriger les erreurs manifestes de prévision du gouvernement précédent, telles qu’elles [avaient] été soulignées dans l’audit rendu par la Cour des comptes. […] Cela [conduisait] à réviser à la baisse les prévisions de recettes publiques de manière significative. » Ces observations, mes chers collègues, figuraient donc en toutes lettres dans le dossier de présentation du collectif budgétaire d’août 2012, que le gouvernement de M. Hollande avait fait voter devant l’impasse de 7,1 milliards d’euros – 7,1 milliards d’euros, j’y insiste – de pertes de recettes fiscales observée lors de son installation.

Aussi, ne comptez pas sur nous, ne comptez pas sur moi, pour accorder un brevet de bonne gestion des comptes publics à l’équipe Hollande,…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Sur moi non plus !

M. Thierry Foucaud. … car le suffrage universel a été suffisamment sévère à son endroit.

Ne comptez pas plus sur nous pour donner quitus aux choix que nous propose le gouvernement actuel, livre de recettes éculées, qui, en trente ans, ont fait la preuve de leur inefficacité.

Oui, nous sommes pour la baisse de la dépense publique, mais quand il s’agit, par exemple, de financer à fonds perdus le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, à cause duquel chaque emploi coûte 200 000 euros pièce. Oui, nous sommes pour la baisse de la dépense publique quand elle finance le crédit d’impôt recherche, ou CIR, qui n’a nullement relancé les budgets de recherche et développement des entreprises ni n’a permis de créer de l’emploi. Oui, nous sommes pour la baisse de la dépense publique quand elle paie la ristourne dégressive sur les bas salaires qui inspirait le commentaire suivant dans une récente publication de France Stratégie : « En France, les travaux d’évaluation de la politique d’exonérations de cotisations sociales patronales sur les bas salaires ont surtout cherché à mesurer son effet sur le volume de l’emploi. Ils aboutissent globalement à conclure que la première vague d’allégements (de 1993 à 1997) a permis de créer ou sauvegarder de l’ordre de 300 000 emplois et la deuxième vague (de 1998 à 2002) environ 350 000 emplois. Les effets de la troisième vague (de 2003 à 2005), eux, seraient quasi nuls. »

Or que vous apprêtez-vous à faire, messieurs les ministres, puisque l’agenda fiscal du Gouvernement comprend un certain nombre de dispositifs dont l’orientation est fondamentalement, totalement, exclusivement libérale ? À rétablir un prélèvement libératoire pour les revenus du capital encore plus intéressant que celui qui avait disparu sous la gestion Hollande.

Au demeurant, quand on est de gauche, que l’on soit communiste, socialiste, progressiste, comment peut-on approuver une telle mesure, qui va permettre à quelques dizaines de milliers de contribuables de se partager 1,5 milliard d’euros de baisse d’impôt ? Pour les 280 000 foyers fiscaux les plus riches, la réforme fiscale Macron-Philippe représente 15 000 euros de baisse d’impôt en 2018. Rien à voir avec les 200 euros de baisse moyenne de la taxe d’habitation inscrite dans votre réforme…

Quand on est de gauche, progressiste, et que l’on compare le montant de l’ISF-PME – 1 milliard d’euros par an – et le montant net des patrimoines imposables à l’ISF – plus de 1 000 milliards d’euros –, on ne peut pas admettre une quasi-liquidation de l’impôt de solidarité sur la fortune, sous le prétexte du financement des PME.

Quand on est de gauche, progressiste, on refuse une politique fiscale qui accroîtra les inégalités de patrimoine financier, immobilier ou autre. L’orientation budgétaire de 2018 est donc celle de l’austérité, encore et toujours de l’austérité.

Ainsi, en lieu et place d’une désintoxication de la dépense publique comme des prélèvements sociaux et fiscaux, on subira, une fois encore, la mise en cause du service public national et local, et la dégradation tant de la qualité de vie des agents, dont le traitement sera gelé et les droits attaqués, que des réponses apportées aux attentes des citoyens.

Ainsi, on prendra encore du retard dans la réalisation des grands projets structurants dont notre pays a besoin pour avancer sur la voie de la transition écologique.

Ainsi, on n’engagera pas les sommes nécessaires à l’indispensable sortie du nucléaire qui requiert des investissements spécifiques pour modifier notre gamme de production d’énergie.

Ainsi, on n’aura pas les moyens de mener le vaste plan de mise à niveau des performances thermiques des immeubles d’habitation, attendu par nombre de familles modestes soucieuses de leur facture chauffage.

Ainsi, on ne mettra pas en œuvre le plan de réalisation d’équipements universitaires indispensable à l’accueil des trois millions d’étudiants qui s’inscriront dans les dix années qui viennent.

Pour toutes ces raisons, outre que le groupe CRC ne votera pas le projet de loi de règlement du budget 2016, il ne peut que désapprouver la ligne imprimée à la gestion des deniers publics pour 2018, d’autant que, entre cadeaux fiscaux aux plus riches et réduction du service public pour les autres, elle conduira à la récession.

Retour en haut