Comment vivifier la démocratie en court-circuitant les syndicats ?

Comment vivifier la démocratie en court-circuitant les syndicats ? - Habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social : article 2 (Josh Hild - https://www.pexels.com/fr-fr/@josh-hild-1270765)

Madame la ministre, à lire votre projet de loi, on constate que le dialogue social que vous appelez de vos vœux est totalement asymétrique. Comment justifier que court-circuiter les syndicats, réduire le nombre d’instances et, de fait, le nombre d’élus, vivifierait la démocratie ?

Au lieu de proposer des mesures contradictoires avec les objectifs annoncés, il conviendrait plutôt de s’interroger sur les raisons de la faible syndicalisation. Si les organisations syndicales doivent s’interroger sur leur modèle d’organisation, il faut aussi explorer d’autres pistes. D’une part – je ne ferai qu’évoquer ce point –, madame la ministre, vous vous doutez bien qu’il est plus difficile de s’engager lorsque la précarité et le risque de déclassement sont forts.

D’autre part – j’insiste sur ce point –, la peur du chômage et le comportement trop souvent impuni d’employeurs peu amènes avec leurs salariés syndiqués ne peuvent que freiner l’engouement pour le syndicalisme.

Poursuites judiciaires répétées jusqu’au dernier recours pour épuiser les salariés concernés, avancements freinés, brimades, délégitimation devant les collègues : tous les moyens sont bons, aux yeux de certains employeurs, pour affaiblir les contre-pouvoirs dans l’entreprise.

On pourrait citer la SNCF, condamnée quatorze fois en 2015 après plusieurs années de procédures, Ford, qui poursuit et fait condamner pour « dégradation en réunion » quatre syndicalistes qui avaient... jeté des confettis, la SEPUR, qui tente de licencier pour faute grave un salarié protégé et qui, face à l’opposition de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, décide de poursuivre les fonctionnaires en charge du dossier, Ikea, qui baisse d’année en année l’évaluation et donc les primes d’un salarié devenu représentant du personnel alors que sa productivité augmente, puis qui, une fois condamnée pour discrimination, épuise tous les recours sans succès.

Et ces exemples ne constituent pas un micro-phénomène, comme le note le Défenseur des droits, Jacques Toubon, et comme le montre l’avis assorti de vingt-trois recommandations du CESE du 13 juillet dernier. Dans plus du tiers des entreprises interrogées par le ministère du travail, 45 % des représentants du personnel syndiqués déclarent que leur mandat a été un frein pour leur carrière, contre 4 % des représentants non syndiqués, alors même que le salaire de ces travailleurs est plus faible. Ces pratiques répressives et discriminatoires ont forcément des conséquences sur l’engagement des salariés : entre 36 et 40 % des salariés déclarent que le premier frein à la syndicalisation est la peur des représailles émanant de la direction de l’entreprise.

Si le Gouvernement veut inciter à la syndicalisation, qu’il renforce la législation, qu’il fasse appliquer les lois existantes et qu’il lutte contre ces pratiques d’un autre temps ! À ce titre, le soutien quasiment sans faille des DIRECCTE à des licenciements bien souvent condamnés par la justice ne peut qu’interroger ! Entre 2010 et 2014, l’administration a accepté plus des trois quarts, près de 77 %, des demandes de licenciement, et la quasi-totalité, 95 %, des demandes de ruptures conventionnelles de salariés protégés.

Madame la ministre, il y a en effet matière à modifier la loi !

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