L’espérance de vie en bonne santé des ouvriers est bien plus faible que celle des cadres

Le compte personnel de prévention de la pénibilité, auquel nous n’étions pas particulièrement favorables, comme l’a rappelé Dominique Watrin, est certes un dispositif difficile à mettre en œuvre, mais il avait le grand mérite de reconnaître la pénibilité de certains travaux et de certains secteurs d’activité et ouvrait ainsi la voie à la responsabilité sociale de l’entreprise. Surtout, il visait à permettre aux salariés d’arriver à la retraite en bonne santé.

Les simplifications annoncées par le Premier ministre pour satisfaire à la demande du patronat vont à l’encontre de ces objectifs, tant dans l’esprit que dans le financement. Elles nuiront, à mon sens, à la bonne performance de l’entreprise.

Ainsi, le projet de loi prévoit d’autoriser le départ à la retraite anticipée des seuls salariés qui auront développé une maladie professionnelle et pour lesquels un taux d’invalidité de 10 % au moins aura été reconnu. Quid de celles et de ceux dont les symptômes apparaissent après leur départ de l’entreprise, comme cela est fréquent dans le secteur de la chimie, pour l’exposition à l’amiante notamment ?

Je rappelle que l’espérance de vie en bonne santé des salariés effectuant des travaux pénibles est plus faible que celle des cadres. Ils ne pourraient partir plus tôt que s’ils sont déjà malades : c’est vraiment inacceptable, tout comme le transfert du financement à la branche AT-MP, qui n’a d’autre motif et n’aura d’autre effet que de déresponsabiliser les employeurs et d’alléger leurs obligations en matière de prévention, plus encore avec la réduction des moyens du CHSCT ou sa dilution dans la délégation unique du personnel, car l’on ne peut pas croire que cela se fera à moyens constants.

Nous sommes loin du plan « santé au travail », qui tend à agir contre les risques professionnels prioritaires et à favoriser la prévention, en tant que levier de la performance des entreprises. Il s’agit d’un retour en arrière inquiétant pour la santé des travailleurs, substituant une logique de réparation à la logique de prévention.

Pourtant, lorsqu’on voit les efforts du patronat pour s’exonérer de toute obligation en matière de protection des salariés, de contentieux et de recours en justice, on est en droit de s’interroger : de quel niveau de compensation ces salariés pourront-ils bénéficier ? Malheureusement, cet article n’apporte aucune réponse.

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