En matière de logement, le désengagement de l’État est poussé à son paroxysme

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cœur de l’été, que certains ont qualifié de « meurtrier », le ton était donné, annonciateur des choix budgétaires de la majorité : annulation de crédits pour la politique de la ville et du logement et baisse des APL de cinq euros. Ces deux décisions reflètent bien les deux volets de la politique du logement de ce gouvernement : une externalisation de ses financements et une politique au rabot guidée par l’objectif de réduire les dépenses publiques.

Cette politique refuse, en quelque sorte, de répondre à la crise du logement, qui pourtant s’aggrave. La France compte ainsi plus de 4 millions de mal-logés et plus de 15 millions de personnes souffrant à des degrés divers du mal-logement. En outre, 1,9 million de personnes sont dans l’attente d’un logement social.

Pour toutes les personnes vivant ces situations personnelles douloureuses, le coup de rabot de cinq euros sera extrêmement difficile à assumer. Nous soutenons donc le collectif Vive l’APL, qui fédère tous les opposants à cette décision inique.

Loin d’être révolutionnaire, ce budget pousse la logique de désengagement à son paroxysme et risque d’accroître les difficultés sociales en portant atteinte au modèle économique du logement social dans notre pays, alors qu’il devrait jouer un rôle en faveur du droit au logement, de l’exigence de performance sociale, énergétique et écologique, de l’innovation architecturale.

M. François Patriat. Vous êtes donc pour une hausse des loyers ?

Mme Cécile Cukierman. Non, monsieur Patriat ! Vous savez très bien que la réduction des APL sera répercutée sur les locataires, qui paieront en fait beaucoup plus, car on est en train de dégrader le logement social. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.) In fine, avec toutes les propositions du Gouvernement, ce sont eux qui trinqueront ! Monsieur Patriat, nous ne sommes pas d’accord, mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !

Nous déplorons que les aides à la pierre diminuent cette année encore. Les crédits engagés en 2017 ont été revus à la baisse. Alors qu’ils devaient initialement s’élever à 180 millions d’euros pour le FNAP, le Fonds national des aides à la pierre, seuls 80 millions d’euros ont été réellement versés. Pour l’année prochaine, 50 millions d’euros seulement sont prévus. C’est ridiculement bas, alors que le montant de ces aides était de 500 millions d’euros en 2012. Conjugué à la baisse des dotations, ce désengagement de l’État ne peut avoir qu’un effet très négatif sur la construction publique de logements à loyers abordables.

Le FNAP, dont nous avons dit à plusieurs reprises qu’il serait l’outil du désengagement de l’État, est dorénavant financé à titre principal par les bailleurs sociaux, à hauteur de 86 % de son budget. Ce sont donc les locataires qui le financent. La boucle est bouclée !

Enfin, les aides à la pierre spécifiques destinées aux maires bâtisseurs sont purement et simplement supprimées, alors qu’elles ont représenté 179 millions d’euros entre 2015 et 2017.

Les bailleurs sont sommés de financer non seulement le FNAP, mais aussi le plan de rénovation urbaine à hauteur de 2 milliards d’euros supplémentaires, selon les dernières annonces concernant le doublement du NPNRU. Leur taux de cotisation à la CGLLS a été augmenté pour leur permettre de financer le FNAP. Ils sont aussi censés compenser la baisse des loyers dans le secteur public concomitante à la baisse des APL à hauteur de 1,5 milliard d’euros, comme le prévoit l’article 52. Enfin, ils seront très certainement taxés sur la vente des logements sociaux. Et je ne parlerai pas de l’augmentation de la TVA votée lors de l’examen de la première partie du présent projet de loi de finances.

Toutes ces mesures concourent à faire des bailleurs, du 1% logement et des collectivités les principaux contributeurs au financement du logement public. Contrairement à ce qu’a déclaré le Président de la République, le secteur HLM n’a pas de bas de laine. Cette politique risque donc très clairement de menacer l’emploi dans le secteur du BTP. Ainsi, selon les comptes de l’USH, 146 000 emplois seraient menacés à l’échelle de notre pays.

Ces mesures risquent également de menacer l’équilibre de certaines opérations, voire de conduire à la faillite un certain nombre de bailleurs, sans parler des collectivités qui en sont aujourd’hui les garantes. Selon l’USH, cela signifierait 54 000 logements en moins et la non-réhabilitation de 103 000 logements.

À l’inverse, le secteur dit libre n’est nullement affecté par ce projet de loi de finances, qui ne prévoit pas d’enrayer la spéculation foncière et immobilière ayant entraîné des niveaux de loyers toujours plus inabordables. Quant aux niches fiscales, elles restent à un niveau anormalement élevé. Il serait bon de les recentrer, afin qu’elles gagnent réellement en efficacité.

Le projet de loi sur le logement qui est annoncé pour le printemps prochain risque d’aggraver encore la situation en remettant en cause la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et en instaurant une précarité très forte des baux locatifs.

La cohésion territoriale ne passant pas uniquement par une réforme du logement, nous devons concevoir et promouvoir un développement qui ne stigmatise pas les territoires à faible démographie. Il faut au contraire en faire des exemples en matière de développement durable, de cohésion sociale, de vivre ensemble, de culture et d’éducation. Le développement équilibré de nos territoires ne se fera pas sans une complémentarité entre l’urbain et le rural, et ce sans hiérarchie ni condescendance. La ruralité est un socle de savoir-faire, de savoir-être et d’initiatives porteuses. Ainsi, le renforcement des coopérations entre tous les territoires sera le fondement d’un futur favorisant la transition écologique, économique et sociale.

Malgré les différentes évolutions qui pourraient avoir lieu cet après-midi, nous ne voterons pas les crédits de la mission tels qu’ils nous sont proposés.

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