Il est temps de mener un audit citoyen de la dette pour nous libérer de la soumission aux marchés financiers

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la ligne d’émission autorisée pour 2018 est de 195 milliards d’euros en dette de moyen et long terme, dont 120 milliards d’euros vont être mobilisés pour amortir la dette existante. Je ne parle même pas ici des émissions de bons du Trésor destinés à assurer les dépenses courantes, bons du Trésor dont le taux d’intérêt moyen est d’ailleurs, depuis quelque temps, assez proche de zéro.

Comment expliquer cette dette de moyen et long terme, que je qualifierai de sorte de rente perpétuelle des marchés financiers sur la France ? Qu’est-ce qui fait le déficit cette année ? Ce dernier atteint 27 milliards d’euros, composés de 21 milliards d’euros pour le CICE et de 6 milliards d’euros pour le CIR. La suppression de l’impôt sur la fortune va coûter 4 milliards de mieux, et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique y ajoutera 1,3 milliard à 1,4 milliard d’euros.

Tout laisse à penser, hélas ! que la facture sera plus élevée. Je pense notamment à la bagatelle de 30 milliards d’euros d’allégements de cotisations patronales qui alourdiront encore la charge. Même si ces dépenses sont gagées, pour un tiers environ, par la hausse mécanique de l’impôt sur les sociétés, nous avons, en ajoutant les mesures les unes aux autres, rien moins que 50 milliards à 55 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales.

Le problème est bien là : ce n’est pas pour le développement du patrimoine collectif de la nation que l’État s’endette, c’est pour conforter et renforcer des patrimoines privés. Les impôts de tous sont mis au profit de quelques-uns : c’est un hold-up d’un nouveau style !

Si ces mesures fiscales diverses, destinées à la compétitivité des entreprises et de notre économie, avaient encore un tant soit peu d’efficacité, cela se saurait. Mais je crains que le spectacle accablant des inégalités sociales grandissantes dans notre pays, de la précarisation du travail, du sous-emploi chronique et des bas salaires n’apporte la démonstration éclairante de l’échec des politiques suivies jusqu’à présent.

La dette en soi, cela n’a rien de répréhensible. Qu’on le veuille ou non, il n’y a pas d’économie sans crédit ! Rappelons que, si la dette publique pèse aujourd’hui environ 100 % du PIB, la dette privée, celle des entreprises et des ménages, se situe entre 140 % et 150 %, et elle pose autant de questions !

Tout doit être fait dans notre pays pour que la préemption de la finance sur l’activité économique soit la plus limitée possible, qu’il s’agisse de l’État, des entreprises et même de nos concitoyens. Oui à l’intermédiation financière, mais sans épuiser ou capter toute la valeur ajoutée !

Cela étant posé, quand un pays s’endette pour réaliser telle ou telle infrastructure porteuse d’avenir – ce peut être une ligne ferroviaire à grande vitesse ou un canal fluvial essentiel à la transition écologique et à l’amélioration des flux de transport de marchandises dans notre pays –, il choisit une dette « porteuse » de futures sources de progrès et de développement. Quand il s’endette pour payer la suppression de l’impôt sur la fortune, l’allégement de la fiscalité du capital et, surtout, pour amortir des décisions budgétaires antérieures, nous ne sommes plus dans une logique vertueuse. Qui peut nous dire à quoi serviront demain les 4 milliards d’euros perdus au titre des recettes de l’ISF ?

Il est temps de faire un grand effort pour engager une réflexion citoyenne dans notre pays : un audit citoyen de la dette, en toute transparence, pour séparer le bon grain de l’ivraie et nous libérer de la soumission à la loi des marchés financiers.

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