Cessons d’opposer de prétendus laxistes antiflics et des partisans du tout sécuritaire

Cessons d'opposer de prétendus laxistes antiflics et des partisans du tout sécuritaire - Réhabilitation de la police de proximité (Aloïs Moubax - https://www.pexels.com/fr-fr/@aloismoubax)

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « la police doit aujourd’hui s’ancrer dans la ville, faire de la sécurité quotidienne et des attentes de la population une préoccupation première. Une police préventive, dissuasive et répressive efficace ne peut se concevoir sans s’appuyer sur la population ». Ces mots, prononcés par Charles Pasqua en 1993, illustrent deux réalités.

D’abord, la question des relations entre la police et la population doit être envisagée de manière transpartisane et ouverte. Nous devons sortir des postures et d’un affrontement créé de toutes pièces, à la fois factice et politicien, qui opposerait les « laxistes anti-flics » aux « réacs sécuritaires ».

Ensuite, ces propos de Charles Pasqua, qui datent de près de vingt-cinq ans, restent toujours d’une acuité désarmante. Il est indéniable qu’il existe, au sein de certaines catégories de la population, un niveau élevé de défiance vis-à-vis de la police. Un rapport publié en 2016 par le think tank Terra Nova le rappelle à juste titre : « Le jeune homme issu de l’immigration vivant dans une zone urbaine sensible et d’origine populaire est sans doute celui qui a le plus de chances d’avoir une position de défiance vis-à-vis de la police, la considérant au mieux comme violente et brutale, au pire comme raciste. Des enquêtes quantitatives appuient ce constat : 34 % des jeunes ne lui font pas confiance, 40 % jugent son attitude agressive et raciste. »

L’absence de lutte réelle contre les contrôles au faciès, le tabou mis sur les violences policières, l’attitude des policiers eux-mêmes, qui usent souvent de la démonstration de force pour mieux se protéger d’un environnement qu’ils perçoivent comme hostile, tous ces éléments aggravent la défiance et rendent trop souvent délétères les relations entre la police et la population.

Or, de ces relations tendues, la police fait également les frais ; course au chiffre et manque permanent de moyens matériels et humains, les politiques publiques ont été, ces dernières années, « maltraitantes » avec les forces de l’ordre. Depuis le début de l’année 2017, 62 policiers et gendarmes ont hélas ! mis fin à leurs jours, certains sur leur lieu de travail et avec leur arme de service.

Peu importe qu’on l’appelle « police de proximité » ou « police de sécurité du quotidien », il semble aujourd’hui indispensable de remettre la police au cœur de nos territoires.

C’est aussi le souhait des policiers eux-mêmes qui, au travers de deux de leurs syndicats – le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure et Alternative police –, nous rappellent, dans un courrier qu’ils nous ont adressé le 4 décembre dernier, « que remettre en place une police intégrée au quotidien dans la société, dans les quartiers, est un préalable absolu ».

Le directeur général de la police nationale, Éric Morvan, ne dit pas autre chose dans le Journal du Dimanche : « Nous voulons revenir à une police qui fait naturellement partie du paysage, dans une logique de prévention et de règlement des conflits. Une police qui accepte que la satisfaction des attentes de la population constitue un critère d’évaluation de son action. »

L’exécutif souhaite mettre en place une police de sécurité du quotidien, dont les contours sont encore assez flous. Ce qui est certain, en revanche, c’est que pas un centime n’a été prévu pour sa mise en place dans le projet de loi de finances, dont nous venons de terminer l’examen.

Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de considérer la proposition de loi qui vous a été présentée par Éliane Assassi au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste pour ce qu’elle est : un texte ambitieux et perfectible qui, grâce à un débat transpartisan, permettrait de mettre en place une véritable police de proximité dotée des moyens d’exercer ses missions.

Il y a urgence, en ces temps où l’on parle tant de radicalisation. Les associations d’encadrement des jeunes dans les quartiers ayant disparu par manque de subventions, rétablissons au moins une police de proximité qui pourrait jouer un rôle important dans la lutte contre l’embrigadement. C’est d’ailleurs l’une des recommandations que Catherine Troendlé et moi formulions dans le rapport sur la déradicalisation, publié en juillet dernier.

Nous avons aujourd’hui l’occasion de faire avancer les choses, tant pour les forces de l’ordre éreintées de notre pays que pour nos concitoyens. N’attendons pas une autre réforme, un autre budget, un autre gouvernement et agissons maintenant !

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