Laissons aux Néo-Calédoniens le pouvoir de décider de leur avenir

Laissons aux Néo-Calédoniens le pouvoir de décider de leur avenir - Consultation sur l'accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a trente ans, les accords de Matignon mettaient fin aux événements sanglants qui avaient endeuillé la Nouvelle-Calédonie de 1984 à 1988 et culminé lors du drame atroce d’Ouvéa. Trente ans ! C’est à la fois long et dérisoire à l’échelle de l’histoire de 165 ans entre l’État français et cet archipel.

Le 24 septembre 1853, à Balade, la France de Napoléon III, qui cherchait alors une terre nouvelle, libre de toute occupation européenne, pour y fonder une colonie pénitentiaire, parvint à ses fins, en proclamant la Nouvelle-Calédonie colonie française. De la grande révolte des Kanaks de 1878 au massacre d’Ouvéa, comment effacer de notre mémoire le sang versé inutilement à des milliers de kilomètres de la France ?

Comment, trente ans plus tard, oublier la grande leçon de fierté et d’humanisme léguée par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur ?

Aujourd’hui, le groupe politique que je représente confirme toutes ses positions antérieures. Comme nous approuvions la loi organique de 1999, qui a traduit dans notre droit les dispositions de l’accord de Nouméa, nous approuverons aujourd’hui ce projet de loi organique, qui précise l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie et qui marquerait – a priori – la fin d’un long processus institutionnel.

Le texte que nous examinons fait consensus, en traduisant l’accord politique trouvé lors du XVIe comité des signataires de l’accord de Nouméa. Les articles proposés permettent essentiellement de constituer le corps électoral de cette consultation avec l’inscription automatique de 11 000 personnes sur les listes électorales générale et spéciale.

Nous soutiendrons le texte qui nous est soumis et qui est attendu en Nouvelle-Calédonie. Cependant, nous veillerons à ce que toutes les parties soient respectées, en particulier les indépendantistes. La résistance de certains à l’idée même d’une indépendance et la menace d’une coupure totale en cas de victoire indépendantiste seraient contraires à la volonté de laisser aux Néo-Calédoniens le pouvoir de décider de leur avenir.

En novembre dernier, lors d’une rencontre avec une délégation du parti anti-indépendantiste Le Rassemblement, Emmanuel Macron a insisté sur le fait que, en cas d’indépendance, la Nouvelle-Calédonie serait pleinement responsable des compétences qui lui reviendraient. « C’est une façon de fermer la porte à quelque solution d’indépendance-association que ce soit, ce qui nous satisfait », déclarait alors le leader de ce parti.

Or, aujourd’hui, comme l’affirme Sarah Mohamed-Gaillard, spécialiste de l’histoire de la France dans le Pacifique, si l’indépendance reste un objectif, le contexte de la décolonisation dans le monde a beaucoup évolué ; elle indique que « les indépendantistes veulent construire une indépendance pas seulement souveraine, mais viable, et s’en donner les moyens, notamment économiques. Certains d’entre eux sont moins fermés que dans les années 1970. »

Aussi, la France n’a nul intérêt à se recroqueviller sur des solutions passéistes. Mes chers collègues, ne sous-estimons pas un ressentiment bien légitime des populations kanakes ! Ne sous-estimons pas non plus les inégalités prodigieuses entre une classe très dominante, qui a notamment bâti sa richesse sur l’or vert, et une classe de laissés-pour-compte dans l’extrême pauvreté !

Certes, la question identitaire est au cœur de ce projet, mais il paraît difficile de discuter de l’avenir du pays sans parler aux populations d’économie.

La Nouvelle-Calédonie est-elle prête pour être autonome sur le plan économique sans les aides de la métropole encore importantes aujourd’hui ?

De son côté, la métropole aurait-elle encore quelques intérêts à garder un pied sur le territoire – nickel, paradis fiscal… ? Ne va-t-on pas lâcher une dépendance politique pour une dépendance économique ?

Ces questions doivent être posées et des réponses adaptées apportées. N’oublions pas que, en cas de victoire du « non » cette année, l’accord de Nouméa prévoit l’organisation de deux autres scrutins similaires à deux ans d’intervalle. Potentiellement, les Néo-Calédoniens pourraient donc être amenés à se prononcer de nouveau en 2020 et 2022.

D’ici là, il est du devoir et de la responsabilité de l’État français d’accompagner la Nouvelle-Calédonie et de créer les conditions d’un développement pérenne, notamment en prenant en compte les atouts de l’archipel pour faire face au défi de la dépendance, que ce soit grâce à la ressource du nickel ou aux économies verte et bleue qu’il est possible d’exploiter pour valoriser le patrimoine intrinsèque de l’archipel, ou dans le cadre de partenariats et d’accords avec les territoires du bassin de l’océan Pacifique.

Dans la limite de son nouveau rôle à l’issue du scrutin, l’État français devra continuer à contribuer à la lutte contre les inégalités, à aider les provinces les plus fragiles à gagner la bataille du développement et, à terme, à faire en sorte que les différentes communautés ne réfléchissent plus par rapport à la France.

Aujourd’hui, au-delà du référendum qui se prépare – nous serons très attentifs au bon déroulement de la campagne qui le précédera –, il s’agit d’anticiper l’issue du scrutin pour que les tensions endormies ou apaisées sur l’archipel ne se réveillent pas, si le respect des communautés composant le territoire venait à faiblir.

Finalement, il s’agit d’être à la hauteur de cet événement historique et, au-delà des réserves que j’ai émises, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de ce texte et des amendements qui ont été déposés.

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