Proposition de résolution sur la directive Bolkestein (2)

par Robert Bret

La montée en puissance du non dans la campagne référendaire française et la polémique sur la directive Bolkestein ont pesé lourdement sur le sommet européen de Bruxelles.

Alors que plus de la moitié de l’opinion française s’insurge contre l’Europe libérale et rejette d’un même revers de main la directive Bolkestein et le traité constitutionnel, les dirigeants européens, pris de panique, ont décidé hier soir d’adopter la stratégie du double langage : le Président en exercice de l’Union, M. Juncker, a déclaré que les dirigeants européens étaient tombés d’accord pour dire que « des modifications seront apportées » à la proposition de directive car elle ne répond pas actuellement aux exigences du modèle social européen.

Mais on nous dit aussi que « la directive ne sera pas retirée ». Si tel était le cas, « nous donnerions l’impression que l’ouverture des services aurait disparu de l’agenda européen. Elle doit rester sur l’agenda européen puisque la stratégie de Lisbonne […] implique que nous ouvrions le marché des services », a indiqué le Premier ministre luxembourgeois.

Bien entendu, cette proposition de directive s’inscrit dans la stratégie de Lisbonne qui érige la compétition au rang de valeur de l’Union ! Elle préfigure l’Europe conçue par le traité constitutionnel européen, dévouée aux règles du marché qui doivent régner en maître.

Les Françaises et les Français le comprennent mais les dirigeants européens usent d’un double langage pour casser l’élan du « non » au traité constitutionnel européen.

Le groupe C.R.C. demande le retrait de cette proposition de directive dont la logique est de soumettre les services aux règles de marché et d’accroître la concurrence entre les peuples.

Nous sommes fermement opposés au principe du pays d’origine. En l’absence d’une harmonisation suffisante des secteurs concernés, et compte tenu des disparités entre les pays européens, il présente un réel danger de dumping social et juridique. Dans la mesure où le principe du pays d’origine conduirait à une application simultanée de plusieurs droits nationaux, placés en concurrence, sur un même territoire, l’égalité devant la loi des citoyens ne serait pas respectée, notamment devant la loi pénale. Aussi, le droit pénal doit-il être explicitement exclu du champ du principe du pays d’origine.

De plus, la proposition de directive ne définit pas précisément les domaines de l’économie sociale, des services d’intérêt général et ceux déjà couverts par d’autres directives spécifiques. Pour des raisons d’intérêt général, et parce qu’on ne peut les assimiler à des services marchands, de nombreux secteurs devraient être exclus du champ d’application du texte, qu’il s’agisse de la santé, de la culture, de l’audiovisuel, des professions juridiques réglementées et des jeux d’argent.

Nous regrettons que les missions d’intérêt général ne soient pas explicitement exclues du principe du pays d’origine. La confusion terminologique qui règne en la matière est largement entretenue par les tenants de la directive. Ainsi, la Commission européenne ne cesse d’affirmer que la directive ne viserait en aucun cas les services d’intérêt général, ce que d’aucuns définissent par la catégorie des services publics. Or, nulle disposition ne reprend explicitement cette clause d’exclusion dans la proposition de directive. Aussi, les services d’intérêts général doivent-ils être explicitement exclus du champ d’application de la proposition de directive et la Commission devra proposer une directive sur les services d’intérêt général.

De plus, dans la mesure où la proposition de directive Bolkestein s’ajoute aux directives sectorielles, elle pourrait remettre en cause les dispositions de textes existants ou en préparation, comme celles concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles et le détachement des travailleurs. La directive sur le détachement des travailleurs doit impérativement être respectée afin que l’État d’accueil puisse continuer à contrôler les conditions de détachement et de réalisation de l’activité. D’autre part, il convient de définir précisément l’articulation entre cette proposition de directive et celle concernant la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Pour toutes ces raisons, nous demandons le retrait de cette proposition de directive.

La dynamique du « non » ouvre de nouveaux espoirs pour tous ceux qui aspirent à une Europe sociale démocratique et pacifique. Le 29 mai permettra de proposer d’autres fondements à l’Union que ceux posés par la directive Bolkenstein et par le traité établissant une constitution pour l’Europe !

M. BRET. - Les vingt-cinq ont décidé de modifier la directive Bolkestein mais, comme l’a dit M. Juncker, qui nous dit qu’elle ne sera pas reprise ? Le Président Barroso veut continuer à travailler sur une directive de cette sorte. Ne croyons donc pas qu’elle serait retirée : elle sera examinée plus tard, pour ne pas effaroucher l’électeur français.

Notre Code du travail est mis en concurrence avec le modèle anglo-saxon. Le texte de la directive avait été approuvé par les commissaires Lamy et Barnier et, comme l’a dit M. Barroso, « on ne va pas abandonner notre politique économique parce qu’il y a un référendum ».

Nous voterons donc contre ce texte. La décision ultime appartient aux électeurs, le 29 mai.

Je rappelle que, quelle que soit l’issue du référendum, les textes actuels restent en vigueur jusqu’en 2009.

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