Les salariés victimes des licenciements boursiers

Tribune parue dans le n°108 d’Initiatives, mars 2018.

Le groupe Carrefour a annoncé en ce début d’année un vaste plan d’économies et de réduction des coûts d’un montant de deux milliards d’euros, principalement réalisé par la suppression de 4 500 emplois. 2 400 au siège du groupe (Carrefour), 2 100 dans les Carrefour City, Carrefour Contact et Marché (ex réseau Dia). 273 seront fermés, 79 pourraient y échapper à condition de passer en franchise. Le Nord est parmi les plus touchés, avec 32 fermetures et 9 hypothétiques cessions, la plupart du temps situées dans des villes ou quartiers populaires.

Les organisations syndicales craignent qu’il ne s’agisse là que de la partie visible de l’iceberg et que d’autres suppressions de postes ne soient à venir, conséquence de la réduction de la surface de magasins, l’automatisation des stations-service, du paiement (magasins sans caissière ou sans caisse), des plateformes et préparation des commandes, à l’image des pratiques des leaders de la vente en ligne comme Amazon. 5 000 emplois supplémentaires seraient alors en jeu.

Comme souvent en pareil cas, les arguments ne manquent pas pour justifier ces décisions. « Manque de rentabilité », « concurrence de l’internet et des ventes en ligne », « inévitables économies », « besoin d’investissements stratégiques ». Rien de neuf sous le soleil ! Sauf que derrière, ce sont toujours les mêmes qui trinquent et les mêmes qui s’enrichissent. En réalité, c’est bien un véritable massacre de l’emploi qui est en train de s’opérer sous nos yeux au seul bénéfice d’un actionnariat composé, ce n’est pas anodin, des plus grosses fortunes françaises. Carrefour, malgré un léger tassement de ses résultats, est un groupe qui se porte très bien.

Il a réalisé au niveau mondial près d’un milliard de bénéfices l’an passé, distribué 400 millions de dividendes aux actionnaires. Il détient une réserve de 8,5 milliards d’euros de bénéfices accumulés. Le taux de marge est de 23,5 % en légère progression depuis 5 ans. Comment expliquer et croire que ce groupe n’aurait pas les moyens de faire face à ces « difficultés », d’investir sans en faire payer le prix aux salariés, qui ne sont par ailleurs en rien responsables de la situation ? C’est la question essentielle : qui doit payer ? Alors que la masse salariale ne représente que 11 % du chiffre d’affaires et reste inchangée depuis 7 ans, 40 à 50 % des bénéfices sont reversés chaque année aux actionnaires. Le plan élaboré par le nouveau président Alexandre Bompard, le même qui a sévi à la FNAC, n’a d’autre objectif que de maintenir au même niveau ce gavage indécent de l’actionnariat. La définition même du licenciement boursier, comme Michelin auparavant, Alstom, et bien d’autres exemples encore…, dont les parlementaires communistes demandent l’interdiction depuis plusieurs années.

La passivité de l’État en la matière est absolument scandaleuse, quand nous savons qu’en outre Carrefour a perçu 2 milliards d’exonérations sociales en cinq ans ! Le gouvernement si soucieux d’économies et de rigueur budgétaire serait bien inspiré de demander des comptes sur l’utilisation de l’argent public versé à fonds perdu, et d’exiger leur remboursement. Nous continuerons, pour notre, part à porter cette exigence tout en soutenant l’action des salariés pour le maintien de leurs emplois.

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