Une étape supplémentaire du projet de dissolution des communes

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, au sein de la loi MAPTAM a été logée une bombe à retardement : son article 54, qui renvoie prudemment à une prochaine loi le soin de fixer les modalités de l’élection des conseillers métropolitains au suffrage universel direct.

Il s’agit d’une bombe à retardement car, mine de rien, découpler l’élection des conseillers métropolitains et celle des conseillers municipaux change la nature des intercommunalités. Ces dernières cessent alors d’être un outil des communes qui les gouvernaient en y envoyant des représentants élus directement par les citoyens à l’occasion des élections municipales et deviennent des collectivités autonomes tirant leur légitimité non plus des communes, mais des électeurs, par le biais d’un scrutin distinct.

Cela a été rappelé, un rapport gouvernemental devait servir de fondement à la discussion parlementaire. Faute de temps, je ne reviendrai pas sur celui-ci : sans surprise, il écarte l’actuel mode d’élection des représentants des communes au conseil métropolitain, au motif qu’il ne fait pas suffisamment apparaître les enjeux métropolitains et ne garantit pas qu’une majorité claire se dégage toujours au sein du conseil métropolitain ; par ailleurs, il envisage trois modes de scrutin alternatifs possibles.

Outre que l’on ne connaît pas d’exemple d’intercommunalités dysfonctionnant du fait du mode d’élection des conseillers communautaires, ce qui rend ces propositions fondamentalement inacceptables, c’est que toutes changent la nature des métropoles qui, exception faite de la métropole lyonnaise, sont aujourd’hui des EPCI, ce que rappelle l’article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales. Elles deviendraient des entités spécifiques, de véritables collectivités territoriales. Or ce qui fait l’EPCI, c’est que son conseil exprime les volontés des communes membres, ce que seuls peuvent faire des représentants de celles-ci. Contrairement à ce que laisse croire le rapport, élire des conseillers au sein d’une circonscription communale, comme le prévoient certains modes de scrutin, ne suffit pas à en faire des représentants des communes : là est l’escroquerie intellectuelle.

Le mode de scrutin par fléchage ne rend pas les métropoles et ses enjeux suffisamment visibles, nous dit-on. Sauf élection dans le cadre métropolitain, les modes de scrutin alternatifs ne le permettent pas davantage. Au contraire, le mode de scrutin actuel lie les enjeux communaux et les enjeux métropolitains et place ces derniers au cœur du débat des élections municipales, qui restent les élections les plus mobilisatrices.

Changer ce mode de scrutin serait clairement une étape supplémentaire du projet en cours de mise en œuvre de dissolution des communes dans des intercommunalités qui se substitueraient à elles par siphonnage de leurs compétences et de leurs ressources. On commencera par le mode d’élection des conseillers métropolitains et l’on continuera, n’en doutez pas, par celui des conseillers d’agglomération, puis des communautés de communes importantes. Il n’en manque pas !

Qu’on le veuille ou non, l’actuel mode de scrutin pour l’élection des conseillers communautaires et métropolitains est le seul qui permette la représentation des communes, même les plus petites, en tant que communes, tout en respectant la règle de représentation essentiellement démographique.

La proposition de supprimer l’article 54 de la loi MAPTAM doit donc être soutenue sans hésitation, d’autant que le mode de scrutin actuel permet déjà l’élection au suffrage direct de 96 % des conseillers communautaires, ceux qui sont issus des communes de plus de 1 000 habitants. Abaisser le seuil d’application du scrutin proportionnel permettrait d’ailleurs que plus d’élus encore soient désignés via ce mode de scrutin. Dans le même ordre d’idées, on pourrait améliorer le dispositif en accordant plus de place et de moyens d’expression aux oppositions, ce qui permettrait de dynamiser le débat au sein des conseils. Celui-ci, chacun le sait, ne rassemble pas toujours beaucoup de participants…

Il faut sans cesse affaiblir les communes afin de pouvoir constater un jour qu’elles n’ont plus ni pouvoir ni moyens et, partant, décider de les supprimer puisqu’elles ne servent plus à rien ! Il est grand temps de marquer un coup d’arrêt à cette entreprise dont la poursuite éloignerait encore un peu plus les Français du jeu démocratique.

« Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté », rappelait Tocqueville voilà bien longtemps, à une époque où les libéraux entendaient mettre la liberté « à la portée du peuple ». Il est temps de montrer que ces libéraux n’ont pas tous disparu, en votant la proposition de loi de notre collègue Mireille Jouve, d’autant que même la ministre reconnaît que l’article 54 de la loi MAPTAM n’est plus de saison, ce dont je la remercie. (

Retour en haut