Les autorités administratives indépendantes participent d’une forme de désengagement de l’État

Les autorités administratives indépendantes participent d'une forme de désengagement de l'État - Contrôles et sanctions en matière de concurrence en Polynésie française

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’irai droit au but puisque, pour nous exprimer, nous ne disposons que de quelques minutes...
Le texte de cette ordonnance entend adapter à la Polynésie française les dispositions du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence.

Si la loi polynésienne du 23 février 2015, entrée en vigueur le 1er février 2016, édictait un code de la concurrence et instituait une autorité polynésienne de la concurrence calquée sur l’Autorité de la concurrence, il était nécessaire de la compléter pour les matières relevant de la compétence de l’État français. C’est l’objet de cette ordonnance, qui a été examinée selon la procédure de législation en commission.

Je ne reviendrai pas en détail sur la position de mon groupe quant aux autorités administratives indépendantes, les AAI. Mais j’en dirai tout de même un mot.
Rappelons que les autorités administratives indépendantes participent d’une forme de désengagement de l’État quant à la régulation des secteurs économiques les plus importants du pays : l’énergie revient à la Commission de régulation de l’énergie, la CRE ; les télécoms sont confiés à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP ; et le rail, lui, dépend de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER.

Madame la ministre, un rapport rédigé par un sénateur que vous connaissez bien, à savoir Jacques Mézard, pointait d’ailleurs la multiplication des autorités administratives indépendantes.

M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !

M. Éric Bocquet. Absolument !

M. Fabien Gay. M. Mézard relevait que ces instances constituaient un État dans l’État et qu’elles ne devaient pas proliférer.

Notons tout de même que leur rôle a été de faire place à la concurrence et, ainsi, de contribuer à l’abaissement du service public.

Puisque je dispose encore de quelques minutes de temps de parole, j’apporte cette précision : à mes yeux, il serait bon que nous débattions, à un moment ou un autre, des libéralisations et des privatisations qui ont été menées en France.
Il y a quinze jours, au sein de la commission des affaires économiques, nous avons eu la chance d’auditionner la présidente de l’Autorité de la concurrence. Je lui ai dit : « Votre mission principale, c’est d’être au service des consommatrices et des consommateurs de ce pays. Pouvez-vous me citer un seul secteur de l’économie où la libéralisation ou la privatisation de l’entreprise publique disposant, auparavant, d’un monopole a constitué un plus pour elles et pour eux ? »

Mes chers collègues, je vous l’avoue, j’ai eu du mal à comprendre la réponse que m’a apportée la présidente de l’Autorité de la concurrence. Elle-même a eu du mal à la formuler... Elle m’a dit : « On pourrait en discuter pour les télécoms ; à nos yeux, il y a un plus. » Soit, nous pouvons en débattre ! Puis, elle a reconnu que, pour tous les autres secteurs, le bilan était plutôt mitigé.

Voilà pourquoi il serait bon que nous débattions de cette question dans son ensemble, surtout au moment où l’on s’apprête à libéraliser le trafic ferroviaire de voyageurs et, en définitive – c’est bien le but de la manœuvre –, à privatiser la SNCF !

Cette mise au point étant faite, je reviens au sujet de notre débat.
Nous sommes conscients du travail accompli, en la matière, par l’Autorité de la concurrence et de l’importance de ses missions. Aussi, pourquoi la Polynésie française ne pourrait-elle pas bénéficier de sa propre autorité de la concurrence ?

La création d’une telle instance peut même sembler particulièrement légitime en milieu insulaire, où la conjonction d’une faible population – la Polynésie française compte, en tout et pour tout, 280 000 habitantes et habitants – et d’un petit nombre d’acteurs économiques a tendance à créer des situations de monopole ou d’oligopoles privés, d’ententes et de cartels qui pénalisent les consommatrices et consommateurs ultramarins.

C’est pourquoi les membres du groupe CRCE sont favorables à ce texte.

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