Certaines universités utilisent même des logiciels de classement automatique des dossiers

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le développement des technologies, qui transforment en données numériques nos comportements et nos relations avec les entreprises et les administrations, nous impose de veiller avec la plus grande vigilance à la défense des libertés individuelles.

Par la voix du Président de la République, le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État, a pris des engagements dans ce domaine, notamment en garantissant aux citoyens l’impossibilité d’une automatisation complète des décisions individuelles prises par l’administration. Je rappelle que la directive européenne relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel nous y oblige.

Lors de la discussion au Sénat du projet de loi ayant pour objet sa transposition, la Haute Assemblée, à l’unanimité, a été troublée par les libertés prises par votre gouvernement avec les principes forts de la directive, notamment en ce qui concerne la dérogation accordée aux établissements universitaires de mettre en œuvre des traitements automatisés des informations personnelles collectées par la plateforme Parcoursup.

Un grand quotidien du soir vient d’apporter les preuves de ce que le Sénat soupçonnait : ces traitements sont massifs et certaines universités utilisent même des logiciels de classement automatique des dossiers ex aequo qui leur sont fournis par votre gouvernement.

Le 12 avril dernier, le Sénat, à l’unanimité, je le répète, sur proposition de sa commission des lois et de sa rapporteur, Mme Sophie Joissains, a défendu une rédaction de ce texte qui protège les droits individuels, conformément à l’esprit de la directive européenne. Ma question est donc simple : lors de la lecture définitive de ce texte à l’Assemblée nationale, votre gouvernement va-t-il de nouveau s’opposer à la position du Sénat ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous vous inquiétez de la façon dont le Gouvernement transcrit la directive européenne sur la protection des données personnelles. Je rappelle que cette directive s’inscrit dans une approche absolument unique, avec un caractère très précurseur à l’échelle mondiale. On s’en aperçoit avec les scandales et les débats actuels sur l’utilisation des données personnelles par les grandes plateformes. Cette approche, qui doit encore faire ses preuves, présente un caractère novateur et exemplaire reconnu partout dans le monde. C’est sur cette base que l’Europe pourra construire son approche, son modèle, afin de protéger ses valeurs, pour peser et d’être plus influente dans le développement de l’utilisation de ces technologies.

Ce cadre, qui est un élément clé, me semble au contraire extrêmement positif et extrêmement favorable au développement des technologies de type intelligence artificielle en Europe, tout en étant protecteur pour les utilisateurs.

S’agissant de Parcoursup, le Gouvernement a bien indiqué ses avantages par rapport au système préexistant. La plateforme sera transparente et ne donnera lieu à aucune dérive. Les préoccupations exprimées sur ce point ont donc été entendues.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.

M. Pierre Ouzoulias. Les deux engagements que vous venez de prendre prouvent que vous êtes d’accord avec la position du Sénat, ce dont je me félicite. Vous allez donc mettre en œuvre pour la dernière lecture de cette loi à l’Assemblée nationale une transposition de l’esprit même de la directive, comme le réclame le Sénat. Par ailleurs, vous venez de prendre l’engagement ferme de la publicité des algorithmes de Parcoursup et de ceux de l’université, ce que le Sénat réclame également. Je vous remercie donc d’avoir pris aujourd’hui ces deux engagements devant nous.

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