Des pans entiers du territoire seront abandonnés

Actuellement, pour le transport ferroviaire de voyageurs, les seules dessertes que peuvent proposer sur le territoire français les opérateurs distincts de SNCF Mobilités sont les dessertes de « cabotage » dans le cadre d’un trajet international.

Le présent article, pour acter l’ouverture totale à la concurrence prévue par le projet de loi, pose le principe selon lequel toutes les entreprises ferroviaires, et non plus seulement SNCF Mobilités et les opérateurs de fret ferroviaire, pourront désormais assurer librement des services de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises. Cette ouverture est conditionnée à la possibilité pour l’autorité de régulation de limiter ou d’interdire l’exercice de cette « liberté » au nom de la préservation de l’équilibre économique des contrats de service public, c’est-à-dire de l’offre de TER et de TET.

Il s’agit d’une bien faible limitation dans les faits, puisque le principe est bien celui de la concurrence. Ainsi, demain, n’importe quelle entreprise ferroviaire de n’importe quel pays pourra intervenir sur le réseau de TGV, venant directement concurrencer la SNCF à sa guise sur les trajets de son choix.

Il y a fort à parier que, malgré les systèmes d’encadrement et les variations de péage, des pans entiers du territoire seront laissés à l’abandon faute de rentabilité suffisante et donc de prétendants – nous avons beaucoup échangé sur ce sujet hier soir, madame la ministre. Pour cette raison, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a fait le choix de reprendre le dispositif préconisé par la proposition de loi d’Hervé Maurey. Reste que ces contrats de service public ne seront utilisés que s’il y a volonté de l’autorité organisatrice de s’en saisir.

Il ne faudra plus compter sur la SNCF pour exercer des missions de service public, puisque les outils de péréquation auront été brisés et la SNCF sommée de se comporter comme un opérateur privé. Une telle réforme condamne en réalité le service public ferroviaire et menace gravement le maillage du territoire.

Soyons clairs, ce qui pénalise l’offre « grande vitesse », ce n’est pas l’absence d’opérateurs alternatifs, mais la vétusté du réseau, qui entraîne régulièrement une pagaille monstre et des ralentissements sur des kilomètres et des kilomètres de rail.

Cette réforme est donc avant tout dogmatique, pour reprendre votre vocabulaire, madame la ministre, ou, si vous préférez ce terme, idéologique. Elle offre au privé des sources de profit nouvelles au détriment du droit à la mobilité pour toutes et tous, mais aussi de la transition écologique, en vertu de laquelle il faudrait proposer partout où c’est possible une alternative à la voiture.

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