Loi d’orientation sur l’énergie

Loi d'orientation sur l'énergie (Département les Yvelines - https://www.flickr.com/photos/yvelines/)

par Yves Coquelle

Ce texte n’a pas véritablement changé entre les deux lectures, nos inquiétudes demeurent : les intentions sont bonnes, les moyens ne suivent pas. L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres, nous devons en garder la maîtrise, grâce à une grande entreprise publique qui échappe à l’emprise de la finance. C’est une telle orientation qui, dans les années 1970, a permis à notre pays de poursuivre dans la voie de l’indépendance énergétique, en développant une filière nucléaire dans des conditions de sécurité uniques au monde. L’indépendance énergétique est une condition de la maîtrise du développement, notre moindre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles est un atout !

Une politique énergétique cohérente doit également permettre à tous d’accéder à l’énergie. Lorsqu’en hiver, par de très basses températures, l’énergie est coupée à des familles en très grandes difficultés sociales, c’est insupportable et indigne d’un grand pays civilisé !

Il faut prendre cette question à bras le corps pour trouver des moyens légaux d’empêcher les coupures, nous n’abandonnerons pas ce combat.

M. COURTEAU. - Très bien !

M. COQUELLE. - Contre les gaz à effet de serre, nous devons privilégier les énergies les moins polluantes et favoriser la diversification des énergies non polluantes, renouvelables et souvent plus économiques.

Comment réduire chaque année de 3 % les émissions de gaz à effet de serre, sans favoriser concrètement le fret ferroviaire, le transport combiné ?

Rien, dans ce texte, pour la recherche dans le domaine des énergies renouvelables !

Quelles solutions proposez-vous pour réduire la baisse continuelle du transport routier ? Quels efforts pour la recherche dans les technologies innovantes tels que les carburants alternatifs ?

Il nous paraît nécessaire que l’État s’engage à maîtriser la demande d’énergie, diversifier les sources de production, développer la recherche, élaborer un plan climat, donner la priorité aux investissements ferroviaires et fluviaux, favoriser les transports en commun.

Les objectifs sont consensuels. Mais où sont les moyens de les atteindre ? Depuis deux ans, le gouvernement a supprimé les crédits affectés à la mise des transports collectifs en site propre,...

M. SUEUR. - Hélas !

M. COQUELLE-. -... la recherche ne reçoit rien. C’est un véritable problème de volonté politique. L’énergie devrait bénéficier d’une politique européenne cohérente et ambitieuse.

Le protocole de Kyoto et la nécessité pour la France de produire 21 % d’énergies renouvelables contre 16 % aujourd’hui. Voilà qui imposera de développer la recherche pour atténuer les surcoûts. Il faut diversifier les sources d’énergie pour améliorer notre indépendance énergétique.

La canicule de 2003, puis les froidures de l’hiver 2005 ont démontré la nécessité de créer des moyens de production supplémentaires, d’autant plus que le renouvellement du parc nucléaire n’est pas assuré. Le fonctionnement à flux tendu posera de graves difficultés si nous n’anticipons pas le vieillissement de notre parc nucléaire.

Le marché capitaliste a pour objectif premier la rentabilité financière, difficilement conciliable avec l’ampleur des investissements exigés par la production énergétique, dont la rentabilité n’apparaît qu’à long terme.

Votre projet répond-il aux questions lourdes qui sont posées ? Non ! Il n’est pas conforme aux exigences de notre époque ! L’irruption du privé dans le domaine énergétique n’est pas une bonne chose. Vous libéralisez ce secteur alors que la faillite d’Enron et la crise californienne devraient vous inciter à la plus grande prudence !

M. COURTEAU. - Eh oui !

M. COQUELLE. - En deux ans, 90 milliards d’euros ont été dépensés par les plus grands groupes européens pour obtenir des parts de marché, sans créer un seul mégawatt ! On nous dit que c’est indispensable : pour exister dans ce marché de dupes, il faut ouvrir le capital de nos entreprises publiques. Tel fut, en 2004, l’objet de la loi changeant le statut d’E.D.F. et de G.D.F. L’ouverture de leur capital sera, courageusement, annoncée après le référendum !

À terme, les monopoles publics seront remplacés par des groupes privés qui échapperont au contrôle de l’État. Rentabilité oblige, cette logique libérale augmentera les tarifs et diminuera l’emploi, car l’ouverture à la concurrence conduit au gaspillage.

Depuis plus de soixante ans, notre politique énergétique - axée sur la diversification - permet à la France d’avoir le kilowattheure le moins cher d’Europe, notamment grâce au nucléaire.

La confiance de la population envers cette filière dépend de trois conditions : sa mise en œuvre par une entreprise publique ; l’entretien des installations par un personnel compétent ; des tarifs moins élevés du kilowattheure. Or, la modification du statut d’E.D.F. - l’entrée massive d’intérêts privés et le recours aux « nomades du nucléaire » - bat en brèche cette triple condition.

Nous mettons l’accent sur l’hydroélectricité, sans cacher la nécessité d’investir rapidement dans des moyens de production. Toutes les études confirment le besoin de capacités accrues entre 2006 et 2010. Ainsi, combiner diversification des sources d’énergie et économies est indispensable pour éviter des coupures tournantes à partir de 2008 et la brutale remontée des prix.

Plus que jamais, il faut soustraire les questions énergétiques aux intérêts privés. La mise en concurrence d’E.D.F. et G.D.F. est une aberration économique, sociale, financière et scientifique.

C’est pourquoi, nous maintenons notre proposition, de créer un pôle public de l’énergie assurant une réelle maîtrise du secteur avec des ambitions techniques, scientifiques, sociales, sociétales et environnementales. Nous prônons l’égalité entre les peuples. Il faut mettre en œuvre les moyens financiers évitant que l’énergie n’entre en concurrence avec d’autres besoins vitaux comme l’éducation, la santé ou l’eau. Nous savons que si les sources d’énergies sont différentes elles sont complémentaires sans être interchangeables !

Parce que vos propositions vont nourrir les appétits des groupes capitalistes, parce que nous refusons cette emprise libérale sur ce secteur, parce que votre loi est très en deçà des défis à venir, parce que vous avez délibérément choisi de casser un formidable outil qui, depuis la Libération, a fait ses preuves au service de notre peuple, nous dirons de nouveau « non » à votre projet de loi d’orientation sur l’énergie !

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