La gestion quotidienne, de proximité, doit rester communale

La gestion quotidienne, de proximité, doit rester communale - Transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes : nouvelle lecture

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons une nouvelle fois cette proposition de loi dans une navette qui commence à devenir stérile du fait de l’entêtement de la majorité présidentielle. Alors même que le Président de la République a reconnu le besoin d’évolutions lors de son discours devant les maires de France, la majorité s’arc-boute sur sa version sans entendre notre demande.

Seule concession en deuxième lecture à l’Assemblée nationale : le transfert de la compétence « eaux pluviales » devient facultatif, comme vous l’avez appelé, madame la ministre.

Notre demande est pourtant de bon sens. S’il est en effet des compétences dont le bon exercice dépend des réalités physiques et humaines des territoires, des compétences pour lesquelles les regroupements artificiels seront financièrement calamiteux, ce sont bien celles de l’eau et de l’assainissement.

Il ne s’agit pas ici du match retour de la loi NOTRe ou de postures, comme je viens de l’entendre. Avec ma sensibilité, je pense en premier lieu aux territoires de montagne, aux particularités reconnues par la loi Montagne. Je me fais l’écho des élus de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, pour rappeler que, chez nous, du fait de la topographie, la notion de réseaux interconnectés est difficile, voire impossible.

Les importantes distances à parcourir, la localisation des sources et réseaux nécessitent une connaissance particulière et une intervention de proximité. Il faut savoir écouter les élus, qui gèrent au quotidien ces réseaux, lesquels sont souvent le premier relais en cas de fuite ou de problèmes, qui sont présents à très peu de frais 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

Il est évident que la gestion de ces réseaux particuliers, qui repose souvent sur la mémoire de quelques personnes, mérite une réflexion pour améliorer les rendements, favoriser les investissements et apporter une ingénierie souvent absente.

Au lieu d’une réponse adaptée, le Gouvernement nous propose la pire des solutions en ne faisant que reculer à 2026 la date butoir du transfert obligatoire.

Cela risque fort de bloquer les indispensables investissements des communes sur leurs réseaux, tout en ralentissant les démarches des EPCI qui souhaitent prendre en charge la compétence. Une période de flou va s’installer où chaque niveau de collectivité se renverra la balle en regardant l’autre en chien de faïence. Ce n’est pas sérieux…

Les communes et EPCI ont besoin de stabilité, d’une vision de long terme et d’objectifs clairs. Il aurait été plus sage de permettre aux communes qui le souhaitent, notamment aux communes de montagne, de conserver la compétence et en même temps de travailler sur une compétence à plusieurs niveaux.

Les communes, comme je le rappelais, ont besoin d’ingénierie, d’expertise, d’accompagnement : c’est le rôle de l’intercommunalité, mais aussi de l’État au travers notamment de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Cependant, la gestion quotidienne, de proximité, doit rester communale. Les usagers doivent avoir des interlocuteurs accessibles.

Cette proximité est indispensable. La gestion des services publics doit être le plus proche possible de leurs bénéficiaires. Les élus locaux sont en première ligne pour entendre les besoins de nos concitoyens et tenter d’y répondre. Leur connaissance du terrain est indispensable à la bonne conduite des politiques publiques. Je fais mienne la formule de mon collègue Pierre-Yves Collombat qui n’a pas pu être là ce soir : « Quand nos stratèges de bureau cesseront-ils de confondre la carte avec le territoire ? »

Cette fausse proposition de loi ne répond pas aux vraies problématiques. Disons-le tout net : ce véhicule législatif permet au Gouvernement de s’abriter derrière l’article 40 de la Constitution pour ne pas mettre sur la table les moyens nécessaires au financement des agences de l’eau et à l’entretien des réseaux. Or, que l’on se place au niveau communal ou au niveau intercommunal, le problème est le même : la politique de l’eau est sous-financée dans notre pays ! Les réseaux sont vieillissants, usagés et ont besoin d’être rénovés.

Il est plus que temps de mettre le budget des agences de l’eau en adéquation avec leurs missions sans cesse grandissantes, d’en finir avec la dérive récente qui consiste à ponctionner ces agences pour financer des actions aussi diverses que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, les parcs nationaux, l’Agence française pour la biodiversité, et de revenir à un principe simple et juste : « l’eau paye l’eau ».

À l’inverse, il est inacceptable pour l’environnement que les dispositifs d’assainissement individuel, solutions pourtant adaptées aux terrains montagnards, ne soient plus pris en charge par les agences de l’eau, faute de moyens… Sans ces aides, les mises en conformité ne se font pas, malgré la volonté collective. Ce sont notre biodiversité et nos ruisseaux qui en pâtissent…

Pour toutes ces raisons, nous voterons, avec mon groupe, en faveur de cette proposition de loi amendée par la commission. J’adresserai, pour finir, à mes collègues députés de la majorité cette citation de Jean Giono, qui a parcouru les montagnes et les sources du Trièves en Isère : « La vie c’est de l’eau. Si vous mollissez le creux de la main, vous la gardez. Si vous serrez les poings, vous la perdez. »

Sachez écouter ce message de bon sens, desserrez les points et permettez un peu de souplesse !

Madame la ministre, nous comptons sur vous pour que ce message soit entendu.

Retour en haut