L’incohérence du gouvernement en matière environnementale

Monsieur le secrétaire d’État, le 14 février dernier, Nicolas Hulot déclarait à l’Assemblée nationale que le CETA et le Mercosur « ne sont pas en l’état climato-compatibles ». Cette lucidité ne nous étonne pas de la part de l’ancien ministre d’État, bien conscient que libre-échange et lutte contre le réchauffement climatique sont incompatibles.

Fabien Gay l’a rappelé, il n’est pas besoin d’être un expert du GIEC pour faire ce constat : le fret mondial représente 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et son volume devrait augmenter de 290 % d’ici à 2050.

Le rapport neutre et dépassionné de la commission d’évaluation du CETA, remis au Premier ministre le 14 septembre 2017, l’a confirmé. Mais la France avait déjà décidé d’appliquer le CETA de manière anticipée dès le 21 septembre, sans attendre l’aval du Parlement. Une décision peu démocratique ! C’est à se demander d’ailleurs pourquoi le Gouvernement s’est donné la peine de commander un rapport le 3 juillet. Sans doute pour permettre à Nicolas Hulot de sauver la face en brandissant une recommandation du rapport visant à instaurer un veto climatique.

Il va de soi que, sans rouvrir les négociations sur le CETA, l’entreprise s’annonçait juridiquement complexe. Il suffisait d’entendre les propos de votre collègue Brune Poirson, secrétaire d’État, pour s’en convaincre : « Nous avons sollicité la commissaire européenne au commerce, qui a indiqué être d’accord pour travailler sur le veto climatique ». Ce dernier prendrait « la forme d’une déclaration juridique interprétative, qui sera adossée à la partie consacrée aux investissements dans le CETA ».

Nicolas Hulot le confirmait dans cet hémicycle le 8 mars dernier : « Je ne vous le cache pas, nous devrons faire durant le printemps un véritable travail de conviction à la fois auprès de nos partenaires européens et évidemment de nos amis canadiens. » Depuis, c’est un silence radio, ou presque, ce qui n’invite pas à l’optimisme.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous préciser où en est la demande française d’instauration d’un veto climatique ? J’ai cru comprendre que ce sujet était déjà en bonne voie.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. S’agissant de l’entrée en vigueur provisoire de l’accord, c’est une décision non pas française, mais européenne, qui tient compte de l’intégration de cette politique et de sa communautarisation.

C’est d’ailleurs parfait : un an après, nous pouvons voir que le monde ne s’est pas arrêté de tourner. Nous n’avons pas été envahis par un certain nombre de substances dont nous n’aurions pas voulu.

S’agissant du veto climatique, la France a tenu la plume : nous avons transmis un projet de texte, qui est un véritable mécanisme d’interprétation conjointe contraignant. Il permettra de préserver le droit étatique à réguler. Il est hors de question de remettre en cause une législation que vous auriez votée, sous couvert d’un investissement.

Nous avons donc progressé sur ce point : ’initialement, le CETA possédait un dispositif dit ISDS, dont les lacunes étaient nombreuses. Je me suis battu contre un tel mécanisme. Nous avons évolué vers un dispositif meilleur, avec des arbitres qui ne sont pas désignés pour chaque affaire, mais préfigurent une cour permanente d’investissement. C’est le projet que nous portons, et nous avons bon espoir d’avancer aussi en la matière.

Pour ce qui concerne notre ambition climatique, le Président de la République l’a d’ailleurs affirmé, dans la mesure où les États-Unis se retirent de l’accord de Paris, il est hors de question d’avoir avec eux un accord commercial global. Nous défendons en effet l’accord de Paris. Il est donc important de ne pas consentir des préférences à des États qui le remettraient en question.

Quant à la prise de position de Nicolas Hulot, je me souviens au contraire d’un travail très fructueux avec ses équipes, avec Matthieu Orphelin, à l’Assemblée nationale, pour trouver le chemin de crête permettant une ambition environnementale et, en même temps, le développement de flux commerciaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Vous ne m’avez pas complètement rassuré, monsieur le secrétaire d’État ! Je sais également qu’un certain nombre d’associations environnementales sont inquiètes. Ce ne sont pas des petits morceaux de sparadrap qui nous permettront d’y arriver.

À défaut de remettre en cause cet accord, la mise en œuvre d’un véritable veto climatique est nécessaire. Vous dites que Nicolas Hulot avait travaillé sur la question. Certes, mais il a également démissionné, en partie pour montrer l’incohérence du Gouvernement en matière de politique environnementale.

Retour en haut