Je préfère laisser la parole aux centaines de personnes qui m’écrivent sur les réseaux sociaux

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je pourrais vous faire cinq minutes sur le désengagement de l’État sur cette mission, qui a vocation à soutenir les PME et l’industrie. Mais je préfère laisser la parole aux centaines de personnes qui m’écrivent sur les réseaux sociaux. Comme Laurie, elles rêvent, madame la secrétaire d’État, de pouvoir vous raconter leur vie en direct.

Je ne veux pas être leur porte-parole, je n’ai pas cette prétention. Je serai simplement leur voix ici, en lisant leur message.

Et ils ont beaucoup à vous dire de leur souffrance, de leur colère, de leurs espoirs, qu’ils portent des gilets jaunes ou pas, qu’ils luttent ou qu’ils ne le puissent pas, en raison de leurs petits salaires ou de leur isolement.

Par exemple, Amadou a un avis sur la mission que nous examinons aujourd’hui : « Ils ont donné 5 milliards aux riches en supprimant l’ISF, ils ont dilapidé 100 milliards d’euros de CICE, ils ont même accordé des exonérations fiscales aux traders londoniens, et ils laissent 80 milliards d’euros échapper au fisc ! Et ils disent qu’ils soutiennent les PME, les artisans et les petits ? »

JM, lui, veut nous parler de la valeur travail : « Je suis un papa seul avec mon fils de treize ans, je suis boucher de métier et je bosse 45 heures par semaine pour 1 998 euros par mois. Vous voyez, ce mois-ci, on est le 15 et je suis déjà à découvert. On va finir le mois en mangeant des produits du magasin où je bosse et dont la date de consommation est dépassée. Alors, je ne me plains pas, mais, voilà, c’est une réalité, le travail ne paie plus. »

Claire ajoute, sur le commerce et l’artisanat : « Trouvez-vous normal que moi, qui ai un petit magasin de vêtements, je sois moins aidée proportionnellement que l’hypermarché à 30 kilomètres ? Je travaille 50 heures par semaine, j’élève seule mon enfant et je ne m’en sors pas. Il ne reste plus que deux magasins dans ma petite ville des Landes. Si je ferme, c’est du lien social qui se perdra et une ville qui se mourra. » Madame la secrétaire d’État, il faudra expliquer à Claire pourquoi le Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, diminue cette année encore.

Pour parler d’industrie et d’emploi, je cède volontiers la parole à Fabrice : « Je suis chez PagesJaunes Solocal depuis dix-neuf ans. Depuis quelques années, je vois les profits de l’entreprise s’envoler, et les dirigeants se servir l’un après l’autre sur l’exécution sociale des salariés. Jour après jour depuis l’année passée, je vois les salariés partir en arrêt maladie, faire des tentatives de suicide, mourir à petit feu, comme mon entreprise, ce fleuron du digital français. Et je la vois abandonnée par l’État. Je la vois sombrer lentement vers les mains rapaces d’entreprises étrangères qui s’apprêtent à tuer le savoir-faire et les vies françaises qui y sont liées. Et je vois mon pays qui ne fait rien, qui nous laisse mourir, au nom du sacro-saint profit de quelques dirigeants ! Je vois la mort et l’État n’est pas là. C’est ça, la start-up nation ? Pour servir seulement quelques dirigeants ? Le profit individuel au détriment de l’économie d’un pays est comme la pollution environnementale : c’est une intoxication. »

Boris veut vous parler lui aussi de son entreprise, Alstom : « Je bosse comme ingénieur chez Alstom depuis décembre 2005. Nous concevons et fabriquons les trains et les équipements ferroviaires pour la mobilité efficace, sûre et peu polluante, tant pour les personnes que les marchandises. Et ce gouvernement laisse nos patrons donner l’entreprise au groupe Siemens, avec uniquement l’objectif de sortir du pognon ! Cette opération entraînera la braderie de nombreux sites, puis, comme ils disent, des “rationalisations”, avec suppressions de capacités et d’effectifs. Quand l’État français fera-t-il arrêter cette opération et développera-t-il une vraie stratégie industrielle pérenne pour la filière ferroviaire ? »

Enfin, pour conclure, je souhaite vous lire un mot de Sandra, qui nous interpelle toutes et tous : « Sachez que, du haut de mes vingt-quatre ans, j’ai peur pour mon avenir... Que vais-je devenir ? Mes futurs enfants vont-ils encore pouvoir vivre ? Je me permets de vous écrire aujourd’hui, après ma longue journée de travail, pour vous poser une question toute simple : que puis-je faire à ma petite échelle pour essayer de changer tout ce qui se passe en ce moment ? »

Eh bien, Sarah, indignez-vous ! Engagez-vous ! Nous avons besoin de toutes et tous pour bousculer l’ordre établi, faire en sorte que cette économie soit au service de l’humain et de notre planète, et non l’inverse.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, avec Laurie, Thomas, Amadou et tous les autres et avec l’ensemble des membres de mon groupe, nous voterons contre ces crédits.

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