L’État renonce à assurer un service public du sport

L'État renonce à assurer un service public du sport - Loi de finances pour 2019 : sport, jeunesse et vie associative (Pixabay)

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après un budget des sports en baisse en 2018, une nouvelle diminution s’annonce pour 2019. C’est tout à fait contradictoire avec l’ambition affichée d’aller vers 3 millions de sportifs supplémentaires, et cela risque de donner un goût amer aux jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, comme aux autres grandes compétitions que la France accueillera dans les prochaines années. Mais nous sommes malheureusement désormais habitués à ce décalage entre les annonces et la réalité ...

Plus largement, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les orientations mêmes que vous donnez à l’organisation du sport en France inquiètent de nombreux acteurs, jusqu’à provoquer une réaction sans précédent du mouvement sportif, tant de la part des professionnels que des bénévoles.

L’augmentation des crédits destinés au sport professionnel et de haut niveau ne masque pas les ponctions, à hauteur de 40 millions d’euros, sur le sport amateur.

Derrière ces chiffres, je l’affirme, il y a la volonté de mettre fin au modèle français du sport populaire, amateur, représenté notamment par 3,5 millions de bénévoles engagés dans leurs clubs locaux, dans nos villes, nos quartiers comme nos villages, au profit d’un modèle d’inspiration britannique, c’est-à-dire un modèle centré sur la performance, le haut niveau, où la salle de sport offre un service payant à ses clients, en lieu et place d’une licence dans un club ou une association.

Ce modèle démontre outre-Manche son incohérence et son inefficacité. En effet, assécher le sport de masse, c’est, à terme, se priver de la performance et du plus haut niveau.

C’est pourtant ce chemin que nous risquons d’emprunter, l’État n’entendant plus assumer sa mission de définition d’une politique sportive ni assurer le service public déclinant celle-ci. C’est bien de cela qu’il s’agit, avec le « transfert » de 1 600 postes de conseillers techniques sportifs de l’État – 60% des effectifs, tout de même –, qui signe un nouvel abandon de l’État, après la fermeture d’un tiers des CREPS, les centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, et la suppression de 40 % des agents « Jeunesse et Sports » sur la dernière décennie.

Ces CTS jouent pourtant un rôle essentiel dans la formation des éducateurs sportifs, la détection des jeunes talents et les plans locaux de développement du sport.

Je mets le terme « transfert » entre guillemets, car nous avons bien noté que, face au mécontentement, le Gouvernement a indiqué qu’ils seraient non pas supprimés, mais réorientés. Toutefois, imaginer que les fédérations pourront les accueillir et les financer est tout simplement irresponsable, tout particulièrement dans un contexte où, cette année encore – faut-il le rappeler ? –, les associations sportives souffriront de la disparition des contrats aidés.

L’État souhaite donc se désengager de la pratique sportive, abandonner la promotion de notre modèle sportif populaire et accessible, mais au bénéfice de qui ?

Faut-il voir un signe dans la place donnée aux entreprises au sein de la nouvelle agence ? Nous le craignons. À affaiblir constamment le sport public, c’est son versant privé que l’on favorise, comme je l’ai déjà dit. Il vaudrait mieux libérer le sport de l’argent plutôt que d’y faire entrer davantage d’intérêts mercantiles.

Cette évolution est renforcée par la diminution des moyens des collectivités territoriales. Elles investissent plus de 12 milliards d’euros par an dans le sport, mais les premiers effets des baisses de dotations qu’elles subissent se font sentir, puisqu’un quart d’entre elles ont déjà diminué leurs subventions au sport. Au bout de la chaîne, les clubs, pour subsister, n’auront d’autre choix que d’augmenter le prix des licences. C’est évidemment impensable, sauf à vraiment refuser d’entendre le cri de colère de la France sur le pouvoir d’achat.

Quant aux 15 millions d’euros accordés à la réduction des inégalités d’accès à la pratique sportive sur les territoires carencés, axés notamment sur la natation, ce montant est si faible pour des enjeux si importants que cela n’est tout simplement pas sérieux.

Enfin, une des portes d’entrée dans la pratique sportive, c’est l’éducation physique et sportive, l’EPS. Là non plus, les perspectives ne sont pas brillantes. Toujours pas d’épreuve finale au baccalauréat, et la réforme du lycée amène à faire de l’EPS la seule discipline du bloc obligatoire à ne pas avoir de spécialisation.

Je terminerai, trop brièvement malheureusement, en évoquant les crédits de la jeunesse et de la vie associative. L’équation est une nouvelle fois simple : l’intervention de l’État, concentrée sur le service civique, ne vient même pas compenser la baisse des dons induite par la suppression d’une part importante de l’ISF, la diminution considérable des emplois aidés et la multiplication des missions que l’État confie aux associations, la ligne budgétaire consacrée au développement de la vie associative diminuant même d’un million d’euros. Vous ne serez donc pas surpris que le groupe CRCE vote contre ce budget.

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