Ces autres territoires oubliés de la République

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pauvreté et précarité records, problèmes d’éducation alarmants, criminalité grandissante, manque d’infrastructures scolaires et hospitalières : de quoi parle-t-on, mes chers collègues ? De nos banlieues ? De nos milieux ruraux ? D’un énième espace où l’État est en recul dans la France métropolitaine d’Emmanuel Macron ? Non ! Tout simplement d’autres territoires oubliés de la République, qu’on occulte bien trop souvent : les outre-mer.

À l’appui du constat des grandes difficultés que ces régions et départements rencontrent, la dernière étude de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur l’effectivité des droits de l’homme dans les outre-mer fait état de situations d’extrême pauvreté auxquelles doit faire face une proportion élevée des populations ultramarines. L’exclusion sociale est provoquée notamment par un système éducatif limité, dont les répercussions ne peuvent être que négatives sur l’insertion socioprofessionnelle et le développement des territoires. Les infrastructures scolaires délabrées et mal réparties ne permettent pas aux jeunes d’avoir accès à une éducation de qualité.

Sur le volet sanitaire également, le constat est préoccupant. Ainsi, le taux de la mortalité infantile et maternelle est largement supérieur à celui de la métropole. Pourtant, cette situation est décrite comme évitable, car la surmortalité serait due au manque de moyens dans les établissements hospitaliers et de mesures thérapeutiques.

En outre, les spécificités climatologiques de ces territoires entraîneraient une prévalence des maladies infectieuses et parasitaires, couplées à un déficit d’accès à l’eau potable, notamment à Mayotte et en Guyane. Les enjeux de santé publique les plus élémentaires sont négligés, au détriment d’une population particulièrement exposée.

Les régions et départements d’outre-mer ayant souffert trop longtemps du manque d’investissements de l’État et du recul des services publics, nous attendions beaucoup, madame la ministre, du budget qui leur serait alloué. Nous notons les augmentations d’autorisations d’engagement prévues par ce projet de loi de finances, bien qu’elles soient moindres que ce que laissaient présager les documents budgétaires liminaires transmis à l’Assemblée nationale en octobre dernier.

Toutefois, mes chers collègues, nous vous enjoignons de considérer un peu plus en détail les dépenses prévues par le projet de loi de finances. Plusieurs écueils devraient attirer votre attention.

Dans ce budget, madame la ministre, vous faites le choix de doter massivement l’investissement privé pour l’emploi et les entreprises, au détriment du programme « Vie en outre-mer », au sein duquel nous constatons une réduction des financements accordés aux services publics et une stagnation de ceux alloués aux collectivités territoriales.

Une fois de plus, vous appliquez votre doxa, qui laisse entendre que le progrès social passe avant tout par une bonne santé économique, alors même que la pauvreté et la précarité de ces territoires exigeraient que l’on investisse davantage dans les services publics.

Il faut remarquer aussi le choix discutable que vous faites en matière économique : alors que vous promettez plus de 1 milliard d’euros pour redynamiser les territoires ultramarins, vous décidez de n’accorder que 15 millions d’euros à un « fonds vert » destiné à lutter contre les changements climatiques et à investir dans les énergies renouvelables. S’agit-il d’un acte manqué ?

Au regard du climat majoritairement tropical des outre-mer et compte tenu que la France est la deuxième puissance maritime mondiale, nous avions les moyens de devenir les champions des énergies propres, notamment hydraulique et solaire. Mais, une fois de plus, le Gouvernement est absent là où il aurait pu impulser une politique économique novatrice dans ces territoires.

Mes chers collègues, par les résultats du référendum du 4 novembre dernier en Nouvelle-Calédonie, des Ultramarins ont renouvelé leur confiance en l’État français et ont signifié leur volonté d’appartenir à notre nation. Nous ne saurions leur répondre en les considérant comme des citoyens de seconde zone !

Puisque ce budget manque d’ambition, qu’il porte un énième coup de rabot aux services publics ultramarins et ne prend pas suffisamment en compte les spécificités économiques, sanitaires, sociales, territoriales et climatiques de l’outre-mer, nous voterons contre les crédits de la mission !

Retour en haut