Comment est déterminé la notion de pays sûr ?

lettre au Ministre des Affaires Étrangères et de l’Intérieur

Monsieur le Ministre,

Je souhaite attirer votre attention sur la notion de pays sûrs utilisés dans le cadre du droit d’asile.

En effet, l’admission d’un étranger dans notre pays peut être notamment refusée si il a la nationalité d’un pays considéré comme sûr. Cela signifie que le pays d’origine respecterait les principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Cette notion de pays sûr est largement critiquée par de nombreuses associations puisqu’elle réduit drastiquement la possibilité d’obtenir l’asile. Même le Haut Conseil des Nations-Unies aux réfugiés ou la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme critiquent ce concept affirmant « qu’il met en danger les réfugiés ».

Lors d’une audition en Commission des Affaires Etrangères au Sénat le 30 janvier dernier, j’ai posé la question à M. Gilles Dorronsoro, professeur de science politique à l’Université Paris 1, du statut de l’Afghanistan vis-à-vis de cette liste des pays sûrs. Sa réponse éloquente illustre bien l’absurdité de la notion de pays sûrs dans la gestion des flux migratoires : « non, l’Afghanistan n’est pas un pays sûr. Le lourd tribut payé par l’armée nationale afghane et la population témoigne d’une insécurité persistante. La problématique de l’insécurité est d’ailleurs régionale. Dans les régions contrôlées par les Talibans ou par Al-Qaïda, la vie des représentants de l’État comme de certaines minorités, est directement menacée. L’insécurité est aussi liée à l’effondrement de l’économie afghane qui se traduit par un taux de chômage important et le dysfonctionnement des services régaliens, comme la police, le système judiciaire. Pour toutes ces raisons, les flux migratoires vers l’Europe ne tariront pas ».

Ainsi, comment l’OFPRA détermine la notion de pays sûr ? Pouvez-vous m’indiquer les bases de rédaction de cette liste qui comporterait à ce jour 16 pays ? Toutes ces questions ne sont pas anodines puisqu’elles vont déterminer l’avenir des ressortissants de ces pays. Pourtant, il semblerait que l’OFPRA se déplacerait très rarement dans les pays concernés pour évaluer la situation. C’est regrettable et cela provoque indubitablement des choix insuffisamment éclairés.

La notion de pays d’origine sûr semble donc poursuivre le seul objectif de déroger à l’obligation pour notre Etat, d’examiner chaque demande d’asile sans discrimination selon le pays d’origine comme le stipule la convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugiés. On exclut de fait d’une nécessaire protection, des hommes et des femmes fuyant leurs pays en raison de persécutions.

Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en l’assurance de mes sincères salutations.

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