Vous vous êtes évertué à continuer les baisses d’impôts sur les plus riches et sur les sociétés

Vous vous êtes évertué à continuer les baisses d'impôts sur les plus riches et sur les sociétés - Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2018 (nouvelle lecture) (Pixabay)

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons une nouvelle fois le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2018.

Afin d’avoir un échange utile et d’expliquer la position de notre groupe, je vais prendre un poste particulier de dépenses : les baisses d’impôts et de cotisations dédiées, selon vous, monsieur le secrétaire d’État, et selon votre majorité, à la résorption du chômage.

L’analyse du budget 2018 montre que vous vous êtes évertué à continuer les baisses d’impôts sur les plus riches et sur les sociétés. Vous avez poursuivi la suppression de l’ISF – hop ! un cadeau de 3,2 milliards d’euros aux riches contribuables ; vous avez diminué le taux de l’impôt sur les sociétés, pour près de 1,2 milliard d’euros. Puis, vous lancez la première étape de la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des foyers, qui a coûté 3 milliards d’euros. Enfin, vous instaurez le prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, soit 1,6 milliard d’euros abandonnés à ceux qui touchent des revenus financiers. Tout cela, une fois de plus, au nom de la lutte contre le chômage !

Pourtant, un simple regard historique montre qu’offrir des cadeaux fiscaux aux plus riches ne fait pas reculer le chômage. Le taux marginal d’imposition sur le revenu et le taux d’imposition sur les sociétés sont en baisse quasi continue depuis 1986. À cette date, il était encore à 65 % pour l’impôt sur le revenu, tandis que le taux d’imposition sur les sociétés était de 45 %.

Si 1986 a été le point de départ d’une baisse continue de l’imposition des contribuables les plus riches, la courbe du chômage, elle, n’a pas suivi le même chemin. Elle n’est jamais passée durablement sous le seuil des 9 % d’alors.

En fin de compte, les mêmes recettes conduisent aux mêmes résultats. Notre vote contre trouve ici sa première justification : le refus d’une politique qui, en définitive, subventionne de manière déguisée le chômage.

Vous mobilisez un second outil : les allégements de cotisations sociales sur les salaires. Vous prétendez encore qu’il s’agit de favoriser l’emploi. Une solution miracle grâce à laquelle la France triomphe, d’ailleurs...

Bravo à votre majorité, monsieur le secrétaire d’État : savez-vous dans quel domaine nous sommes les premiers, les meilleurs, les leaders dans la zone euro ? Notre pays est celui qui offre le plus d’allégements de cotisations sociales en Europe ! Nous sommes les champions !

En 2018, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a vu son taux passer de 6 % à 7 %, ce qui a coûté à nos finances publiques 3,5 milliards d’euros. Et vous avez acté sa transformation en allégements de cotisations sociales : 3,5 milliards d’euros, qui s’ajoutent à presque 100 milliards d’euros. Cela restera dans l’histoire sociale, économique et financière ! Depuis 2013, on aura mis 100 milliards d’euros dans le CICE. Avec quel effet tangible sur l’emploi ?

Soyons précis et concrets. Je voudrais confronter l’efficacité de ces mesures à la situation de l’emploi dans mon département du Val-de-Marne. Cette comparaison démontre le caractère passéiste et assez idéologique de votre politique. Les premiers allégements de cotisations sociales ont été lancés par M. Balladur – rendez-vous compte ! –, en 1993. Pourtant, entre 1989 et 2000, le chômage dans mon département est passé de 6,2 % à 7,2 %. Aucun effet positif, donc.

Loin de s’arrêter, les cadeaux fiscaux ont continué : la ristourne dite « Juppé », lancée en 1996 et accentuée en 2003 sur l’initiative de M. François Fillon, a eu les mêmes effets ! Si bien que, à la moitié de la décennie, en 2005, dans mon département, le taux de chômage avait encore grimpé pour atteindre 8,3 %. Vous noterez que ces données excluent la crise économique.

Une fois encore, mes chers collègues, il n’y a aucune efficacité des cadeaux fiscaux dans la lutte contre le chômage ! Voici la seconde raison pour laquelle nous nous opposons à votre politique fiscale.

Aussi, je vous en conjure, il faut sortir des dogmes qui règnent depuis des décennies. Cette après-midi, lors de la séance des questions d’actualité au Gouvernement, mon collègue Pierre Ouzoulias a posé une question au sujet de Conforama.

M. Jean Bizet. Comme par hasard !

M. Pascal Savoldelli. Imaginez que vous soyez salarié de cette entreprise et que vous appreniez sa liquidation, en même temps que l’on vous annonce qu’elle a touché 62 millions d’euros d’aides publiques. Ne croyez-vous pas qu’il puisse y avoir au moins une colère sourde et un sentiment d’injustice ?

L’emploi est la première préoccupation des Françaises et des Français, et le chômage pénalise en premier lieu les jeunes et les femmes. Pourtant, en plus d’offrir des cadeaux fiscaux injustes et inefficaces, vous réduisez les moyens permettant de lutter contre le chômage, monsieur le secrétaire d’État. C’est la troisième raison pour laquelle nous nous opposons à votre politique.

Le niveau d’exécution de la mission « Travail et emploi » recule de 2 323 millions d’euros par rapport à 2017, les programmes « Accès et retour à l’emploi » et « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » étant les principaux concernés par cette baisse. La fin de l’aide en faveur de l’embauche PME et la réduction du nombre de contrats aidés ont fortement pesé.

Vous n’êtes ensuite pas capables de tenir vos promesses, puisque, en exécution, les missions « Travail et emploi » voient leurs crédits reculer de près de 700 millions d’euros par rapport à ce que nous avions voté en loi de finances initiale.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. De même, près de 500 millions d’euros de crédits ont été annulés sur cette même mission !

Il est tout de même particulier de faire preuve de tant de satisfaction s’agissant de l’emploi et du chômage – je dis cela aussi à l’attention de mon collègue Didier Rambaud, du groupe La République En Marche –, alors que vous avez supprimé 223 équivalents temps plein du ministère du travail ! Voilà le résultat. Nous voterons contre ce texte.

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