Une mobilisation politique nationale est indispensable

L’adaptation au réchauffement climatique est une nécessité que j’ai envie d’illustrer par un sujet concret.

Ce week-end, j’étais invité à la pendaison de crémaillère d’un logement particulièrement intéressant : un bâtiment comportant plusieurs logis, intégré dans son environnement, économe en foncier, écologique et local.

Des matériaux issus du territoire : du bois de nos forêts, des blocs de chanvre pour les murs, de la terre issue des fondations pour les enduits et une toiture végétalisée intégrant des panneaux solaires et permettant la récupération d’eau. Des matériaux biosourcés, trouvés sur place, peu chers, peu transformés, dont le bilan carbone est extrêmement faible et qui permettent de stocker des quantités de carbone considérables.

Ces logements passifs, grâce à une isolation performante qui procure un confort thermique inégalable été comme hiver, ne nécessitent pas ou peu de chauffage. Cette maison respire, son hygrométrie lui permet de rafraîchir et d’assainir l’air ambiant. Pas besoin de système de ventilation gourmand en énergie ni de climatisation.

Et si demain cette maison devait être démolie, elle retournerait là d’où elle vient, le sol ! Pas ou peu de déchets, puisque ces matériaux complètement biodégradables termineront leur cycle.

Pour l’alimentation, nous parlons « du champ à l’assiette » ; ici, ce serait plutôt « du champ au logis », créant dans le même temps des formes architecturales propres à chaque territoire, en s’éloignant de l’uniformisation qui a déjà gommé les spécificités de nos régions.

Ces habitations, madame la ministre, n’ont rien d’exceptionnel ; elles relèvent simplement du bon sens, principe qui est cher à cette assemblée. Et pourtant, ce type de construction est encore marginal. Il est nécessaire de lever les obstacles pour créer de véritables filières locales, faciliter la labélisation et la délivrance d’avis techniques pour ces matériaux, accompagner la mise en place d’une gestion durable de la ressource en bois, valoriser l’utilisation de la paille ou la culture du chanvre encore entravée par une réglementation absurde, ou encore adapter la formation des artisans en lien avec les besoins et les capacités de leur territoire plutôt qu’avec la standardisation des géants du BTP.

Il s’agit d’une réponse concrète et d’une politique sociale et écologique, une politique qui peut être développée à l’échelon local à condition que l’ingénierie et les moyens financiers soient disponibles.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Développer des filières de matériaux biosourcés présente un intérêt évident, à la croisée des enjeux d’atténuation et d’adaptation, et la France avance sur ces sujets.

Par exemple, s’agissant du chanvre, nous sommes le premier pays producteur en Europe avec 50 % de la surface totale cultivée et 1 280 agriculteurs concernés. C’est une ressource très intéressante qui repose sur une agronomie saine, efficace et sans produits phytosanitaires et qui permet d’améliorer la capacité en eau des sols, en les fractionnant en profondeur. Le chanvre peut être utilisé à la fois pour l’alimentation, pour le béton avec ses tiges et pour l’isolation avec son enveloppe extérieure. Par ailleurs, cette production en circuit court fournit des emplois qui sont non délocalisables.

Je pense que la France pourrait se fixer l’objectif de devenir leader dans ce domaine. Je précise que l’État investit beaucoup pour les produits biosourcés : ainsi, 200 000 euros sont prévus dans le programme d’action pour la qualité de la construction et la transition énergétique.

La construction en bois présente aussi de nombreux atouts : c’est un levier de développement économique des territoires ruraux et forestiers qui permet de stocker du carbone, ce qui constitue un levier important pour nos objectifs de neutralité carbone.

C’est pourquoi la France s’est dotée, en 2017, d’un cadre stratégique pour l’ensemble de la filière au travers du programme national de la forêt et du bois qui précise les orientations stratégiques liées à la forêt et à l’ensemble de la filière bois. Les objectifs sont ambitieux : adapter les forêts au changement climatique, conserver le potentiel d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et sécuriser en qualité, en quantité et en régularité les approvisionnements en bois de l’industrie.

La nouvelle réglementation environnementale des bâtiments permettra de valoriser le stockage du carbone biogénique dans l’évaluation environnementale des bâtiments neufs.

Je pense que nous pouvons encore progresser en la matière et nous devrons suivre avec attention la mise en œuvre de ce programme.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.

M. Guillaume Gontard. Je n’ai pas pris le temps de le faire dans ma question, mais je tiens à saluer le rapport présenté par la délégation sénatoriale à la prospective.

Madame la ministre, depuis trente ans, les choses avancent en ce qui concerne la transition en matière énergétique et agricole, ainsi qu’en matière de mobilités – vous êtes bien placée pour connaître ce sujet –, mais nous sommes encore à la traîne pour le bâti. Ainsi, notre pays importe encore beaucoup de bois, alors que nous sommes un pays forestier.

Pourtant, nous avons à notre disposition des solutions écologiques, sociales et locales qui constituent souvent des opportunités pour nos territoires. Il est donc temps de mettre en œuvre, en lien avec les collectivités locales, un véritable plan national en faveur du secteur du bâtiment.

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